Le 4 juillet 2023
Ce projet semi-documentaire, qui en dit long sur les fêlures familiales et politiques en Tunisie, vaut par sa mise en abyme subtile.
- Réalisateur : Kaouther Ben Hania
- Acteurs : Majd Mastoura, Hend Sabri, Nour Karoui, Olfa Hamrouni
- Genre : Drame, Documentaire
- Nationalité : Français, Allemand, Tunisien, Saoudien
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h47mn
- Date télé : 11 mars 2024 21:00
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 5 juillet 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023
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– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, en compétition
– Cannes 2023 : Œil d’or, Prix de la Semaine du Cinéma Positif, Prix de la Citoyenneté
Résumé : La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de quatre filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité, qui va questionner le fondement même de nos sociétés.
Critique : Kaouther Ben Hania avait été révélée à la section ACID 2014 avec Le Challat de Tunis, qui revisitait avec brio les codes du « documenteur » en se basant sur un fait divers. On avait également apprécié La belle et la meute (Un Certain Regard 2017), fiction sur une jeune femme victime d’un viol commis par des policiers, qui frappait par sa capacité à passer du semi-documentaire féministe au thriller haletant. Pour Les filles d’Olfa, la réalisatrice est partie de l’histoire tragique d’Olfa Hamrouni, mère de quatre filles, dont les deux aînées ont disparu pour faire le djihad en Libye. Elle avait songé dans un premier temps réaliser un simple documentaire avec interviews sur ce sujet, avant de se rendre compte que son film aurait peiné à dépasser le niveau du travail journalistique, Olfa, maintes fois apparue sur les écrans de télévision, risquant de répéter des lieux communs et de se cantonner au « rôle » que l’on attend d’elle dans un tel dispositif. Aussi, la réalisatrice a voulu élaborer une mise en abyme en imaginant un « projet de film dans le film », plus précisément un matériau de fiction qui viendrait se superposer.
- © 2023 Tanit Films. Tous droits réservés.
Olfa et ses filles racontent ainsi leurs souvenirs devant la caméra, mais rejouent aussi des moments clefs de leur passé. Trois comédiennes professionnelles, dont la star Hend Sabri, les relaient pour les scènes les plus difficiles émotionnellement ; de même, un unique acteur, Majd Mastoura, est chargé d’interpréter tous les hommes qui ont côtoyé les protagonistes. Bien sûr, le film est d’abord intéressant par son évocation de la situation politique en Tunisie et de la tentation d’islamisme, notamment pour une partie de la jeunesse, et ce dans un contexte de persistance du patriarcat, rendant difficiles les revendications féministes. Mais Kaouther Ben Hania a l’intelligence de sortir des sentiers battus et d’éviter le tract militant. Sa démarche est réellement expérimentale et séduisante à la fois, dans le prolongement de films qui l’on marquée, à savoir F for Fake d’Orson Welles, Close-Up d’Abbas Kiarostami ou Dogville de Lars von Trier, pour le huis clos avec décor unique, source de distanciation. « Je voulais que l’on puisse passer de vrais moments de jeu à des moments de réflexion sur le jeu. La frontière devait devenir indistincte puisqu’on passe notre temps à jouer dans la vie et encore davantage devant la caméra. Olfa et ses filles sont d’immenses comédiennes dans la vie. Je souhaitais également documenter la double nature de l’acteur. Depuis mes débuts, j’aime explorer les liens ténus entre fiction et documentaire. Ça traverse tous mes films », a ainsi précisé la réalisatrice.
- © 2023 Tanit Films. Tous droits réservés.
Certes, les dialogues sont parfois répétitifs et n’évitent pas les banalités, et le substitut de psychothérapie qui se déroule sous nos yeux pourra paraître gênant. Mais la cinéaste arrive à trouver le juste équilibre en le drame familial et celui d’un peuple, et la catharsis qui se déroule sur nos yeux est plus proche du cinéma de Pialat que du voyeurisme de la téléréalité. Et tout en proposant une approche originale greffée à son propre univers, la réalisatrice inscrit aussi son film dans un ensemble de récents longs métrages à caractère social, et décalés dans leur approche documentaire, comme Les pires ou Jeunesse (Le printemps).
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