Les enfants terribles
Le 18 février 2022
Première réussite de Doillon, ce récit d’une éducation sentimentale et politique s’inscrit dans l’héritage de la Nouvelle Vague, en l’ancrant dans l’évolution des mœurs des années 70.
- Réalisateur : Jacques Doillon
- Acteurs : Christophe Soto, Ann Zacharias, Olivier Bousquet, Denise Bonal, Roselyne Vuillaume
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Malavida Films , UZ Diffusion
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 23 mars 2022
- Date de sortie : 4 décembre 1974
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Résumé : Chris, apprenti boulanger, est licencié par son patron pour retards répétés, et menacé d’expulsion, le propriétaire étant son employeur. Il décide alors de squatter la chambre avec son pote Léon, Liv, jeune suédoise de passage et sa petite amie Rosette. Les revendications professionnelles interfèrent alors avec l’éducation sentimentale...
Critique : Tourné les derniers mois de l’ère Pompidou et sorti en salles à l’automne 1974, au début du septennat Giscard d’Estaing, Les doigts dans la tête peut être perçu comme l’un des films de la transition entre l’insouciance de la fin des Trente Glorieuses (plein emploi, libération sexuelle...) et la gravité des années 70/80 (chômage, précarités familiales...) tout en s’inscrivant dans ce courant d’un cinéma forcément politique (pour ne pas dire post-soixante-huitard), très tendance à l’époque. Non que le film fasse partie de ce cinéma militant (Costa-Gavras, Boisset...) fustigé par François Truffaut au nom du refus du « saupoudrage politique » opportuniste et commercial ; mais sa rhétorique d’opérette (jeunes ouvriers exploités par un artisan commerçant plus borné que tous les beaufs de Cabu, utopies communautaires) aurait pu très bien être mise en scène par Barbet Schroeder ou Alain Tanner, excellents cinéastes au demeurant.
- © Malavida LCJ
Mais cette première œuvre importante de Doillon est bien plus ; c’est un conte d’apprentissage, et notamment sentimental : son quatuor de personnages fait écho au trio de La maman et la putain, sorti un an plus tôt ; et sa fraicheur d’écriture et de ton est bien dans la continuité de la Nouvelle Vague. François et Rosette expérimentent la vie de couple au même titre qu’Antoine et Christine dans Baisers volés et la jeune Suédoise au délicieux accent (craquante Ann Zacharias) menaçant de faire vaciller leur union n’est-elle pas une petite cousine de l’Allemand Oskar Werner dans Jules et Jim ou de la Japonaise de Domicile conjugal ? On comprend mieux ainsi l’engouement de Truffaut pour cette œuvre sensible, réalisée avec peu de moyens, en noir et blanc (choix financier plus qu’esthétique), et avec de jeunes comédiens non professionnels. La spontanéité de Christophe Soto, Olivier Bousquet ou Roselyne Vuillaume cadre admirablement avec leurs personnages maladroits et touchants ; loin d’être une carence, leur absence de formation dramatique donne à leur jeu ce côté fluide, que Doillon retrouvera avec Gérald Thomassin (Le petit criminel) ou Ismaël Jolé-Ménébhi (Le jeune Werther), plus que dans Raja.
S’il fallait garder quelques souvenirs des doigts dans la tête, on choisirait cette explication finale entre les deux filles ou ce plan-séquence à la fois drôle et incongru montrant le réveil en pleine nuit, à la suite de pas mystérieux sur le toit de la maison... La tension provient bien de l’espace de ce faux théâtre filmé mais le catalyseur est hors-champ. Cinéaste de la jeunesse et fin psychologue, Doillon excelle à mettre à nu le lien qui unit, au-delà du vernis social, des personnages cloitrés et ignorés.
– Sortie en version restaurée 4K : 23 mars 2022
– Chicago International Film Festival 1975 : Gold Hugo New Directors Competition
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