Raja - la critique

Critique : Dans une belle villa au cœur du Maroc, un homme attend péniblement que le temps passe et l’éloigne de son passé, en tentant d’apprendre à profiter des plaisirs simples, une piscine, quelques femmes, la nature luxuriante. Beaucoup des moments qu’un homme de son âge pourrait encore désirer ardemment sont déjà derrière lui : les projets de carrière, le rêve de mariage... Ainsi s’entoure-t-il de femmes du coin, comme pour s’immerger dans un autre univers, où la complexité serait bannie. Ses plus proches compagnes sont deux femmes de ménage mariées, d’une quarantaine d’années, jusqu’au jour où, parmi les petites jeunes filles employées pour entretenir son jardin, Fred remarque Raja.
Raja n’est pas particulièrement belle, mais elle est très forte, et son énergie se ressent au premier regard. Elle a traversé beaucoup de douleurs, de la mort de ses parents à un viol par des Occidentaux. En conséquence, elle n’attend désormais que peu de choses : pouvoir gagner assez d’argent pour vivre tranquillement avec Youssef, son fiancé. Mais lorsque Fred semble la désirer, comment ne pas penser que son attention serait une façon plus aisée de sortir de la misère ? Fred veut une aventure sans sentiment ni souffrance. Raja, quant à elle, ne cherche que la tranquillité et la fin des boulots de misère. Pourtant, même si cette attirance aurait pu être d’une grande simplicité, les sentiments les parasitent et dépassent bientôt les désirs de leur protagonistes.
Raja est un paradigme sur l’imprévisibilité de l’amour. Ces deux êtres qui ne parlent pas la langue de l’autre, que tout oppose, s’attacheront malgré tout l’un à l’autre, mais sans jamais pouvoir trouver un instant de répit pour connaître le bonheur. On regrettera seulement qu’il soit difficile d’adhérer à l’histoire de Fred et Raja. Le jeu des comédiens reste très extérieur, et les murs qui séparent les deux civilisations semblent infranchissables aux spectateurs. Une certaine froideur, un manque de sincérité viennent parasiter les bonnes intentions de Doillon. Car le film contient beaucoup de bonnes choses, à commencer par cet amour que Fred porte aux habitants de son pays d’accueil, et la façon dont la caméra arrive à rendre ce sentiment. Mais peut-être que si la romance ne nous semble pas convaincante, c’est pour mieux démonter l’impasse dans laquelle les deux âmes se sont engouffrées.