Les clips de rap français d’avril 2019

Mois d’avril un peu maigre en gros clips, quantitativement parlant. On en a retenu cinq. C’est léger, mais par contre c’est lourd.

Kekra ft Niska – Vréalité
C’est bien joli les clips avec 2000 effets de montage / effets d’étalonnage / effets spéciaux en tout genre, mais cela use un peu à la longue ; puis c’est trop souvent utilisé comme cache-misère de plans, de cadrages, d’une mise en scène sur le tournage, bien insipides. Donc quel bonheur de voir la première collaboration clippée de Kekra ! Même si nous ne sommes pas fans du bonhomme, son Vréalité est une goutte d’eau dans un immense désert (même si le désert offre des coins sympas, faut pas déconner non plus). Sublimé par un noir et blanc léché, le clip de Scotty Simper aligne les plans iconiques sur la vie de quartier et sa jeunesse. Le travail frôle la photographie de portrait en immortalisant ces visages, ces corps qui prennent la pose avec assurance. Tout dans le regard (et dans le look post-apo de Kekra, incroyablement classe), tout ce qui tient dans le cadre. Pas de superflu, c’est la street, mon pote.

M le Maudit – Nuit
TURN UUUUUUUP
L’un des garnements de la 75e Session balance un nouveau son et c’est encore un délire bien sombre qui pénètre dans les esgourdes de l’auditeur. La prod absolument monstrueuse de Yung Coeur frôle la lourdeur d’un bon gros riff saturé, avec des placements bien démoniaques de samples de Pokémon. La frénésie du clip par la 75e Session (on fait avec les crédits qu’on a) colle une bonne grosse baffe, le genre de baffe qui laisse dans l’incompréhension. Heureusement que le morceau n’est pas trop long, faut quand même que l’on puisse s’en remettre.

Sean – Mauvaise nouvelle
Après Mercutio, Sean continue tranquillement de nous faire découvrir son univers très particulier. Même si Mauvaise nouvelle diffère de Mercutio, notamment dans son clip, la patte du jeune parisien se ressent à nouveau avec ce savant dosage d’autotune et d’un flow patache chaude dans la bouche. Dans la lenteur de sa diction, brouillant le sens des mots, on pourrait croire le rappeur sous gaz hilarant et pourtant le nouveau récit qu’il nous propose saisit à la gorge. Le personnage torturé et détaché que s’est crée Sean trouve une nouvelle déclinaison saisissante, parce qu’elle forme une boule d’émotion brute et complexe. Allié au clip de Tristan Feres, ce morceau devient un petit court-métrage coup de poing sur la déchéance d’une relation amoureuse et de l’homme au centre de celle-ci. Sean, un des rappeurs français les plus intéressants à suivre.

Sheldon – 2/4 Quart de Lune
Le 1/4 Quart de Lune de Sheldon remontait à si longtemps que j’avais personnellement oublié qu’il servait notamment de teaser à Lune Noire. Avec ce morceau, on apprend que le premier album tant attendu de Sheldon va bel et bien voir le jour d’ici peu, mais au-delà ce nouveau quart transporte l’auditeur avec douceur dans l’univers imaginaire et ultra-référencé du rappeur / producteur de la 75e Session. Regarder le clip en écoutant le son revient à partir dans un monde apaisant et mélancolique, peuplé de créatures bien connues des amateurs de culture japonaise, surtout de mangas et d’animés. Le travail de Kaypash, de Dylan Martin Treadwell et de Taïs Bean est vraiment à saluer tant il confère toute la singularité et la beauté étrange au clip.

Soso Maness – TP
On termine cette petite fournée par un clip-concept très bien troussé. Si TP ne nous aurait pas particulièrement marqués sans son clip (sans être un morceau honteux, loin de là ; par contre l’autotune pique pas mal sur le refrain), l’ajout d’une vidéo lui donne vraiment une autre ampleur. TP est typiquement le genre de titre qui peut s’appuyer sur des images pour se bonifier. Le quotidien d’un petit dealer y est retranscrit avec une véracité palpable, loin de toute glorification de l’illicite. Soso Maness et le réalisateur Snooz évoquent surtout la répétitivité jusqu’à l’absurde d’un tel mode de vie, qui ne mène au final nulle part.