Colin Farrell marche pour Peter Weir
Le 3 mai 2012
Après sept ans d’absence, Peter Weir revient aux affaires pour une aventure à échelle humaine, dans la lignée des grandes fresques hollywoodiennes d’antan. Du plaisir sur pellicule.
- Réalisateur : Peter Weir
- Acteurs : Ed Harris, Colin Farrell, Jim Sturgess , Mark Strong, Saoirse Ronan, Alexandru Potocean, Gustaf Skarsgård
- Genre : Drame, Aventures
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h14mn
- Date télé : 4 avril 2020 14:25
- Chaîne : Ciné+ Frisson
- Titre original : The Way Back
- Date de sortie : 26 janvier 2010
Après sept ans d’absence, Peter Weir revient aux affaires pour une aventure à échelle humaine, dans la lignée des grandes fresques hollywoodiennes d’antan. Du plaisir sur pellicule.
L’argument : En 1940, une petite troupe de prisonniers décide de s’évader d’un camp de travail sibérien.
Pour ces hommes venus de tous les horizons, s’échapper de cet enfer ne sera que le début de l’aventure...
Ensemble, ils vont parcourir plus de 10 000 kilomètres, à travers la toundra sibérienne glacée, traversant les plaines de Mongolie, les fournaises du désert de Gobi puis les sommets de l’Himalaya pour franchir la Grande Muraille de Chine.
Certains s’arrêteront en chemin, d’autres ne survivront pas aux épreuves. L’Inde - alors sous contrôle anglais - est le but ultime.
Mais la route est longue, les rencontres risquées, les conditions physiques épouvantables, et chacun a ses secrets...
Notre avis : Peter Weir, cinéaste rare et précieux, se serait-il (finalement) spécialisé dans un genre particulier : celui du film d’aventures ? Depuis le début de sa carrière, le réalisateur australien, parti à la conquête d’Hollywood il y a une trentaine d’années, a oscillé entre film de guerre (Gallipoli), fable humaniste (Le cercle des poètes disparus, The truman show), comédie romantique (Green Card), thriller immersif (Witness) et portrait d’aventuriers de l’ordinaire (L’année de tous les dangers, Mosquito Coast). L’épopée flibustière de Master and Commander, fresque remarquable à l’odeur de poudre starring Russell Crowe, remonte déjà à 2003. Pourtant, s’il fallait assigner un liant ou un thème fétiche à son œuvre éclectique, celui du voyageur (ou plus généralement de "l’étranger") s’imposerait assez naturellement. Quasiment toutes les histoires de Weir mettent en scène un périple, ou plus modestement un dépaysement ; le voyage "intérieur" et le parcours initiatique y comptent autant, sinon plus, que les miles parcourus. Ça tombe bien, puisque le cinéaste adapte aujourd’hui A marche forcée, récit extraordinaire (et véridique) d’un groupe de prisonniers de guerre, qui s’échappèrent du goulag et parcoururent plusieurs milliers de kilomètres à pied, à travers l’Asie, pour fuir le gouvernement soviétique.
L’histoire originale, que l’on doit au polonais Slawomir Rawicz (rebaptisé Janusz pour l’occasion et interprété, cherchez l’erreur, par l’acteur anglais Jim Sturgess), contenait tous les ingrédients pour être récupérée par Hollywood : péripéties rocambolesques, grands espaces, aventure humaine où chacun doit dépasser ses limites pour arriver au bout du voyage. Janusz et ses compagnons en passeront ainsi par tous les extrêmes, depuis les neiges éreintantes des montagnes sibériennes jusqu’à la sécheresse mortifère du désert de Gobi.
A vrai dire, Les chemins de la liberté (traduction pompeuse du titre anglais The way back) évoque régulièrement toutes ces grands-messes qu’on vit fleurir dans les salles obscures à partir des années 30, jusqu’à l’avènement d’un David Lean dans les années 60, et de ses fresques démentes qui se réappropriaient l’Histoire (Le docteur Jivago, Lawrence d’Arabie). Peter Weir se coule harmonieusement dans ce moule très hollywoodien, même s’il y perd sans doute une partie de sa patte. Usage modéré du numérique, décors splendides filmés en panoramique, violence lissée, Les chemins de la liberté a tout du grand spectacle à l’ancienne, dévoué à une épopée grandeur Nature d’où ses personnages sortent fortifiés. Le budget, qu’on imagine colossal, se retrouve à l’écran, jusque dans les soins d’une reconstitution tangible. On en viendrait presque à se demander depuis combien de temps ne s’est pas vu, sur les écrans, un film d’aventures old school de ce genre, où efficacité et divertissement riment souvent avec qualité.
Comme dans son Master & Commander, qui délaissait souvent les batailles navales et l’action pure au profit d’à-côtés intimistes et naturalistes passionnants (le film échappait ainsi à la logique de rentabilité à l’œuvre dans les grosses productions habituelles), Peter Weir n’oublie pas de donner de la chair à son histoire, et du réalisme à sa fresque. Dans un souci qu’on pourrait qualifier "d’artisanal", le film s’attache régulièrement aux gestes quotidiens et aux petits mécanismes que ces hommes se forgent, progressivement, dans leur course à la survie : reconstitution de la vie des goulags (un aspect peu exploré dans un cinéma de ce calibre, dont on retiendra principalement cette loi de la Terreur, régie par les gangs), ruses de chasseur pour se nourrir en montagne, confection de masques ou d’accessoires pratiques, cabanons de fortune...
L’homme, nu et rendu à lui-même, face à la toute-puissance de son environnement : la thématique n’est pas étrangère au réalisateur, qu’elle illustre un retour à nos instincts les plus enfouis (Pique-Nique à Hanging-Rock, son œuvre la plus entêtante et la plus emblématique) ou un simple combat face à l’adversité (Master and Commander, Mosquito Coast). La Nature, théâtre majestueux des drames humains, est souvent mystique chez Weir : animée d’une force propre, elle pousse les personnages dans leurs retranchements, aux confins de la bestialité (ici, la séquence où le groupe chasse les loups avant de "devenir" loups à leur tour) ou de la folie (les hallucinations et autres mirages fatals, favorisés par la fatigue et la peur). Impitoyable, cette logique aura raison des plus fragiles - car la mort frappe plus d’une fois au cours du voyage, y compris contre les êtres les plus attachants.
Fort de cette dimension, Les chemins de la liberté ne perd pas de vue l’aventure humaine qui lui sert d’écrin, bien qu’il verse in fine dans un héroïsme un brin primaire (le dénouement à l’arraché : on a connu le pinceau de Peter Weir plus léger...). Les personnages, souvent simplement esquissés, peuvent compter sur le soutien d’un casting solide, entre un Ed Harris évidemment impérial en américain inflexible, et la belle Saoirse Ronan (révélée par Lovely Bones, de Peter Jackson) dans le rôle le plus touchant du film. Quant à Colin Farrell, pourtant revenu de chez Michael Mann et Woody Allen (dont il a, semble-t-il, oublié toutes les bonnes leçons), il retrouve ses anciens tics de jeu ; dans un rôle de loubar qui lui va pourtant comme un gant, il sur-signifie chaque situation et chaque dialogue, comme au temps béni de l’expressionnisme allemand. Sa composition est tellement outrée qu’elle en deviendrait plaisante, et s’ajouterait presque aux nombreux plaisirs, coupables ou non, qu’on prend devant Les chemins de la liberté.
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Norman06 26 janvier 2011
Les chemins de la liberté - la critique
Depuis son arrivée à Hollywood, ce maître du cinéma australien est un devenu un artisan habile, capable du meilleur (Witness), comme du pire (Le cercle des poètes disparus, État second). Ce trekking movie suit tous les sentiers balisés de l’académisme à Oscars : "grand" sujet, imagerie Nouvelles frontières, surjeu (Colin Farrell), dénouement édifiant (un bed and breakfast chez nos amis Tibétains !). Que le récit soit adapté d’un roman à succès tiré d’un fait réel nous fait une belle jambe que les protagonistes.