Witness : témoin sous surveillance - Peter Weir - critique

Critique : Récit initiatique maquillé en polar, Witness est à la jonction de deux manières, comme une hésitation qui, bientôt, s’effacera au profit d’un savoir-faire hollywoodien, grâce auquel Peter Weir conquerra la planète, sitôt l’échec de Mosquito Coast digéré, avec le mélodrame surfait Le cercle des poètes disparus. Witness est encore imprégné du mysticisme de la carrière australienne du réalisateur, comme si les effluves du splendide Pique-nique à Hanging Rock ou du très consistant long métrage La Dernière vague, venaient se disperser sur quelques scènes en apesanteur, où les gestes précautionneux d’une communauté hors du monde viennent convertir le très urbain John Book, archétype du policier américain, forcé à une retraite à laquelle l’histoire donne une connotation évidente : celle d’un rousseauisme qui associe le retour à la nature et l’éveil à la sensualité. Du coup, on se fiche un peu que les méchants policiers, auteurs ou complices du meurtre initial, s’acharnent à la fois sur le gamin qui a tout vu et sur le capitaine qui le protège, même si la scène pivot des toilettes est impeccable dans son montage et sa maîtrise du suspense.
L’exil dans la communauté Amish, que ce film a contribué à mieux faire connaître, n’est qu’une parenthèse interrompue par un affrontement prévisible, plutôt expédié par Weir, comme en témoigne le curieux renoncement du méchant Schaeffer, devant la société des anabaptistes rassemblée en une force spirituelle. Le réalisateur sait que l’intérêt de son film se situe au-delà des conventions propres au genre, dans une capacité à saisir un paysage qui ondule sous les effets du vent, à convoquer l’esthétique d’un Georges de La Tour, lorsqu’il s’agit d’illustrer le dilemme de Rachel, profilant un visage en clair-obscur, ou à susciter le regret d’une histoire avortée entre deux personnages empêchés, par un dernier champ-contrechamp silencieux. C’est dans cette dilatation du temps que le meilleur du cinéma de Peter Weir trouve à s’épanouir, où s’investissent nos rêveries. La musique idoine de Maurice Jarre leur fournit un écho tout à fait convaincant.