Le cercle des poètes disparus - Peter Weir - critique

Critique : Un enseignant subversif dans une institution autoritaire. Des étudiants en extase, qui se mettent à déclamer de la poésie, poussés par leur professeur qui leur rappelle les célèbres mots du poète Horace : "Carpe diem". La tête de circonstance de Robin Williams, qui surjoue constamment, jusqu’à la grotesque scène finale. Le suicide d’un personnage, pour faire pleurer Margot dans les chaumières. Voilà les ingrédients d’un succès en forme d’arnaque, où des adolescents se désinvestissent d’un conformisme pour en adopter un autre, devenant les prosélytes d’un gourou auto-proclamé, nanti d’un pouvoir livresque. Le professeur Keating, que n’importe quelle phrase du Maître ignorant de Jacques Rancière suffirait à disqualifier, est un abrutisseur, qui ose parler d’émancipation, alors qu’il reconduit les mêmes mécanismes de coercition que l’école victorienne dans laquelle il officie.
Tout semble faux, cliché, racoleur. Chacun reste à la place qui lui est assignée. Les enseignants hiératiques demeureront marmoréens et inflexibles, les jeunes se mettent à écrire des vers de mirliton pour plaire à leur maître et les murs austères de l’établissement seront filmés sans aucune imagination par un metteur en scène autrefois inspiré (qu’on se souvienne du remarquable Pique-nique à Hanging Rock), mais qui vend son âme au cinéma le plus faux-cul, visant assurément un succès commercial, en caressant le spectateur dans le sens du poil. Pari réussi : le long métrage fut un triomphe, Robin Williams obtint le rôle de sa vie, et l’on sut que le geste le plus frondeur du monde consistait à se mettre debout sur une table de classe, pour signifier sa désapprobation. Cette formidable manifestation d’autonomie individuelle méritait bien qu’on la gratifiât une dernière fois, par l’entremise d’un chef qui distribue sa dernière évaluation. "Merci, messieurs", commente simplement le héros de la pédagogie, avant de partir l’œil mouillé, tandis qu’une symphonie cavalcade au rythme de nos cœurs affolés.