Un pays en guerre, pas très loin de nous. Anna, journaliste, gagne la zone des combats à la rencontre d’un chef de guerre qu’elle doit interroger. Joseph, le photographe, l’accompagne, dans le long trajet en car, qui traverse les villages dévastés. Il est à ses côtés dans la petite maison du professeur qui les héberge. Il est le seul, lorsqu’elle disparaît, à rester fidèle à ses convictions, à braver les réticences de tous, et refaire à son tour le parcours qui l’a ravie au monde. Pendant cette quête qui durera des mois, Anna vit une étrange vie de recluse, une relation trouble, mi-servante mi-prisonnière, avec une femme que l’on dit folle.

Le prologue, déjà, explore cette notion d’"habitante". Anna habite un espace, une sorte de manière d’être au monde qui lui rend chaque lieu familier. Elle se coule, ne s’oppose jamais, comme dans une perpétuelle curiosité d’elle même. Le lien avec la femme, muet et fort, se noue au fil des jours, comme en une série d’épreuves contre lesquelles Anna ne se raidit jamais. La vie devient alors purement opératoire, ficelée au quotidien. La seule trace d’avant persiste dans le premier tome de L’idiot, qu’elle lit et relit, inlassablement. Chaque jour est vécu comme une nouvelle expérience de soi, une nouvelle connaissance. Les barrières en deviennent inutiles, la fuite est impossible. La guerre est alors vécue comme un terrain d’expérimentation, où l’humanité comme la barbarie trouvent leur ultime expression. Apprendre à savoir qui est l’autre et recoudre patiemment le lien comme ces chants oubliés qui reviennent pourtant à la mémoire.