Le 2 février 2019
Une édition minimale pour ce film qui porte les interrogations désabusées d’un cinéaste sur son époque.
- Réalisateur : Satyajit Ray
- Acteurs : Soumitra Chatterjee, Ajit Bannerjee, Haradhan Bannerjee
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Indien, Français
- Distributeur : AAA Distribution (Acteurs Auteurs Associés)
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 2h10mn
- Box-office : 23.707 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Shaka Proshaka
- Date de sortie : 21 août 1991
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– Sortie DVD : le 5 février 2019
Résumé : Ananda, la personnalité la plus importante d’Anandapur, vit désormais retiré en compagnie de son père sénile et de son fils Proshanto, qui a l’esprit dérangé. Il pense avec satisfaction à ses trois autres fils, installés à Calcutta à force de travail et d’honnêteté. Alors qu’il fête son soixante-dixième anniversaire, il est victime d’un malaise cardiaque et toute sa famille se réunit à son chevet.
Notre avis : Gérard Depardieu et Daniel Toscan du Plantier s’étaient associés pour produire cet avant-dernier film de Ray, une œuvre à l’écart des modes, dans la ligne droite de ce qu’il avait réalisé jusque-là et qui demeure une entreprise singulière, particulièrement maîtrisée. Le cinéaste, adaptant son propre roman, s’est sans doute projeté dans la figure d’un patriarche admiré, notable d’un ancien temps à la morale rigide. Il vit, avec son père sénile dont chaque apparition provoque un sursaut et un fils mentalement dérangé à la suite d’un accident, une existence teintée de nostalgie, qu’il expose en même temps que ses principes dans une première séquence définissant les enjeux : les valeurs vont porter Les branches de l’arbre en en incarnant des facettes différentes avec les quatre fils. Tous, selon le père, ont réussi (ou auraient pu réussir dans le cas de Proshanto, promis à un bel avenir) sans trahir l’éthique qu’il leur a inculquée.
La vérité, le spectateur la découvrira lorsque, après une attaque cardiaque, les quatre frères sont réunis. Ray leur consacre des portraits isolés, même s’il prend soin de les réunir périodiquement dans des repas et un pique-nique qui tournent au règlement de comptes. C’est que, contrairement à ce qu’espérait leur père, ils ont été contaminés par l’ « argent noir », cet argent de la corruption dont seul Proshanto est prémuni par son handicap. Selon Ray, l’époque a changé : ce qui était possible naguère (gravir les échelons, acquérir patiemment une position à force de travail tout en respectant la morale) ne l’est plus pour la génération des fils. Si Protab a renoncé à une situation avantageuse parce qu’elle reposait sur des arrangements avec la probité, Probodh et Probir s’accommodent des tricheries et des mensonges pour vivre ce que l’un des personnages appelle un « faux paradis ». Restent les femmes, l’une admiratrice de son mari mais qui va le voir sous son vrai jour ; l’autre trompée et méprisante envers son époux pourtant repentant. Elles sont plus sensibles, plus fines : Tapari reconnaît Bach, dont son mari sait seulement, par une culture « digest », qu’il a eu vingt enfants ; elle est profonde quand il est superficielle, elle souffre pour son beau-père quand il attend l’héritage pour éponger ses dettes.
La ligne de partage se fait autant par les sentiments et la morale que par l’art : Proshanto écoute des chants grégoriens, Protab devient comédien, Tapari chantait avant de se marier ; de leur côté, les deux autres frères ne vont jamais au cinéma, et rejettent même leur héritage culturel en méprisant le Mahabharata. Leur arrogance et leur empressement dissimulent une grande vacuité qui les empêche de communiquer avec l’innocence de Proshanto mais les accorde à une société tournée vers le profit quels qu’en soient les moyens : « nous sommes des médiocres », dit Protab. Regard désabusé, celui du père et celui de Ray, porté sur un temps qui les déçoit et ne peut apporter qu’amertume. La fin, déchirante, laisse une maigre consolation, un vague espoir, dont on sent qu’il ne convainc ni le père ni le cinéaste. Les cœurs sont fatigués : comme son protagoniste, Ray a eu une crise cardiaque fatale à 70 ans …
L’auteur du Salon de musique reste fidèle à un style encore épuré, se concentrant sur les personnages et les dialogues, sans autre effet que des travellings allant régulièrement d’un acteur à l’autre. Si le film peut en paraître long (c’est un reproche fréquent de ses détracteurs), d’autant qu’il est dépourvu aussi bien de pathos que de « scènes à faire », si Ray a consciencieusement éliminé toute péripétie extérieure, c’est pour mieux s’interroger en une lente réflexion sur un monde qui le dépasse et dont il ne peut qu’enregistrer les soubresauts pathétiques. Cela ne fait pas des Branches de l’arbre une œuvre facile, mais l’austérité la préserve de la mode et, dans ce film amer, le spectateur bien disposé trouvera de quoi alimenter ses interrogations, tout en admirant la sûreté et la rigueur dont le cinéaste fait preuve, encore une fois.
Box-office : Sorti en salle, à la fin de l’été 1991, dans une seule salle parisienne, le film indien réussit à dépasser les 6.000 entrées en première semaine. Un gros succès qui se confirme sur la durée, le film réunissant in fine plus de 20.000 spectateurs sur la capitale en fin de carrière, dans cette combinaison art et essai réduite.
Les suppléments :
0 Aucun
L’image :
Pas terrible : les couleurs sont affadies, quelques parasites font de temps en temps leur apparition, la stabilité et la définition sont insuffisantes. Rien de rédhibitoire, mais on aurait aimé goûter ce film dans une meilleure copie.
Le son :
Une seule piste en VO sous-titrée, avec des petits accrocs (chuintements, acidité) légèrement désagréables plus que réellement gênants.
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