Les bêtes sauvages - La chronique BD

Sorte de croisement de L’attrape-coeurs de Salinger et de Rhinocéros de Ionesco, avec une ambiance de Roi des mouches, cette œuvre brutale n’est pas anodine, et pourtant elle parle, rappelle beaucoup de choses. Crise d’adolescence en forme d’apocalypse, Magda l’avait déjà faite, mais là il y a une dimension animale latente, comme si la société boursouflée avait besoin d’être rappelée à l’ordre, davantage que ses jeunes. Les adultes sont les vrais fautifs, et au fond, ils se confondent assez rapidement avec les animaux en liberté, comme échappés d’un zoo ou d’une forêt proches. Effrayants quand ils montrent les crocs, mais finalement se fondant assez bien dans le décor, les animaux sont un prétexte, une excuse pour montrer la peur ou la haine, jamais fondées, facilement exacerbées.

Loïc Godart / Ankama

De même que le sujet voulait apporter petit à petit du sang et des coups, le dessin s’imprègne progressivement de traits vifs et de couleurs farouches. Le malaise s’impose alors, révélant une face qui n’était pas vraiment cachée, seulement minimisée dans les premières pages. Les visages presque mignons du début ont ainsi acquis des rictus d’adultes, et les corps semblent distendus, étirés comme si une force mauvaise les avait transformé, alors que le style n’a pas changé. Une impression qui fait toute l’originalité de cet auteur.

Loïc Godart / Ankama

Palpitant de vie, autant positive que négative, cet album livre une belle parabole de l’adolescence à travers les rapprochements avec animalité et sexualité. Quitte à perturber le lecteur, Loïc Godart dévoile une histoire iconique, de type générationnelle.