Le 12 novembre 2018
J.K. Rowling et David Yates tournent en rond dans une suite qui, tout en possédant quelques atouts esthétiques, parvient difficilement à enthousiasmer.
- Réalisateur : David Yates
- Acteurs : Johnny Depp, Jude Law, Dan Fogler, Ezra Miller, Zoë Kravitz, Eddie Redmayne, Katherine Waterston, Alison Sudol
- Genre : Aventures, Fantastique
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h14mn
- VOD : Filmo, Orange, PremiereMax, UniversCiné
- Date télé : 21 avril 2024 21:10
- Chaîne : TF1
- Titre original : Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald
- Date de sortie : 14 novembre 2018
- Voir le dossier : La saga "Harry Potter"
Résumé : 1927. Quelques mois après sa capture, le célèbre sorcier Gellert Grindelwald s’évade comme il l’avait promis et de façon spectaculaire. Réunissant de plus en plus de partisans, il est à l’origine d’attaque d’humains normaux par des sorciers et seul celui qu’il considérait autrefois comme un ami, Albus Dumbledore, semble capable de l’arrêter. Mais Dumbledore va devoir faire appel au seul sorcier ayant déjoué les plans de Grindelwald auparavant : son ancien élève Norbert Dragonneau. L’aventure qui les attend réunit Norbert avec Tina, Queenie et Jacob, mais cette mission va également tester la loyauté de chacun face aux nouveaux dangers qui se dressent sur leur chemin, dans un monde magique plus dangereux et divisé que jamais.
Critique : la première déclinaison de l’univers du plus célèbre des sorciers contemporains, connu maintenant sous la marque déposée « Wizarding World », fut comme l’on s’en doute un succès bienvenu pour le studio Warner Bros (sans toutefois égaler les chiffres astronomiques de la franchise Harry Potter) qui lui permit enfin d’envisager sereinement la viabilité d’un univers cinématographique étendu, après la débandade de l’univers des super-héros DC.
Ainsi, ce ne sont pas moins de quatre suites envisagées par le studio, toujours sous la houlette de JK Rowling elle-même, à l’écriture, et de David Yates, à la réalisation, pour relater la période pré-Harry Potter déjà esquissée dans les derniers livres de la saga.
- © 2018 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved. Wizarding World™ Publishing Rights © J.K. Rowling WIZARDING WORLD and all related characters and elements are trademarks of and © Warner Bros. Entertainment Inc.
Si le premier volet n’était pas vraiment enthousiasmant, il introduisait le grand méchant, Grindelwald en nouveau seigneur des ténèbres, sous les traits d’un Johnny Depp froid et charismatique. C’est tout naturellement que l’on assiste ici à son irrésistible ascension, après une séquence d’évasion spectaculaire en guise d’ouverture.
Disons-le clairement, Johnny Depp est l’atout du film. À l’inverse d’un Ralph Fiennes en Voldemort qui sur la fin multipliait les grimaces embarrassantes, l’acteur n’a besoin de jouer ici que de sa stature et de son charisme, de son regard dur et glacial et de sa voix susurrée pour impressionner et remplir le cadre de sa présence maléfique. Une bonne idée de casting donc, mais gâchée par l’écriture qui recycle sans honte toutes les recettes de la saga fondatrice.
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Ainsi, Rowling réitère le parallélisme entre la montée de Hitler et l’avènement du nazisme, et celle des « populistes » comme Donald Trump -on a vu l’auteure très engagée contre le grotesque président républicain et ses partisans sur les réseaux sociaux lors des dernières élections américaines-, explicitant de façon trop démonstrative que l’un des grands talents de Grindelwald, c’est d’arriver facilement à insinuer son discours de haine dans l’esprit de pauvres gens, désœuvrés et naïfs qui, aliénés, rejoignent ses rangs. L’auteur-scénariste va jusqu’à bâtir un climax sur un ersatz de meeting politique où la haine de l’autre est déguisée en protection caricaturale du peuple.
Tout cela pourrait faire un très bon programme, surtout inséré dans un divertissement populaire promis à une large audience, mais tout a déjà été creusé avec bien plus de profondeur au fil de la saga initiale. Ici, tout relève de la caricature, la faute à des personnages secondaires à peine esquissés qui n’offrent pas vraiment de point d’attache au spectateur pour comprendre les motivations qui amènent les uns et les autres à basculer d’un camp à l’autre.
De même, le caractère d’emblée maléfique de Grindelwald empêche de déceler chez lui le moindre argument politique. Si Voldemort, dans Harry Potter, revenait au pouvoir avec une base de partisans déjà plus ou moins actifs qui en fait ne s’étendaient guère, ici Grindelwald doit convaincre et rallier, ce que le film ne met jamais vraiment en scène, annihilant toute idée politique substantielle et tout parallèle satisfaisant avec notre époque contemporaine.
À l’arrivée, Grindelwald est donc très méchant, et ceux qui le rejoignent sont tous des idiots, ce qui n’est finalement pas éloigné des interventions de Rowling sur Twitter pendant l’élection américaine.
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Par dessus cette bouillie moralisatrice, le film fait des allers-retours dans les drames familiaux de quelques personnages clés pour la suite de l’histoire, et met encore en scène la recherche active d’un garçon, interprété par un Ezra Miller torturé, sujet d’une quelconque prophétie.
Au milieu de tout ça navigue Norbert Dragonneau, héros de l’histoire toujours à demi-effacé de son propre film, en mission pour un jeune Dumbledore avantageusement interprété par un Jude Law au charisme certain. De son côté, Eddie Redmayne offre la même palette de jeu, toute en sourires gênés et postures embarrassées ; et son personnage n’évolue pas vraiment, embarqué dans une mission qui le dépasse. Il entretient toujours quelques peines de cœur, de celles qui donnent lieu à des séquences étonnamment cliché quand on connaît la qualité d’écriture de l’auteure.
Aussi, tous ces arcs narratifs se croisent et s’entrecroisent ; ils alourdissent le rythme du film qui s’effondre à plusieurs reprises, à peine relevé par le personnage de Jacob Kowalski, caution comique du film, pauvre sparring-partner un poil hystérique et jamais vraiment drôle. Et on évitera de trop évoquer la romance contrariée qui ne convainc pas.
Si l’attendu du face à face Dumbledore/Grindelwald ne se concrétise jamais, au moins quelques rapides séquences laissent à penser que leur histoire sera développée dans les prochains films.
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Dans le recyclage des totems de la saga, JK Rowling et David Yates multiplient le fan-service le plus décomplexé, revisitant les lieux iconiques ou réutilisant certains objets des premiers ouvrages, et évidemment en greffant à l’aventure certains personnages. Une manière, peut-être, d’attirer les spectateurs des films Harry Potter qui avaient manqué l’appel du premier film des Animaux Fantastiques.
Délaissant son décor new-yorkais, volonté affichée des créateurs d’explorer plus largement le monde des sorciers, le film reconstitue cette fois le Paris des années 20. Mais la capitale n’est qu’un décor de carte postale, n’investissant jamais vraiment la période dépeinte, celle des Années folles ; et la capitale française ne se résume finalement qu’à quelques avenues haussmanniennes artificielles et à un lugubre cimetière du Père-Lachaise.
Heureusement, quelques séquences avec les créatures magiques du titre réussissent à émerveiller quelques fois, malgré les textures un peu trop lisses des images de synthèse. De rares moments féériques accrochent encore la rétine, et l’ouverture du film ainsi que son final intense, bien qu’ultra classique dans ce genre de production, assurent le spectacle.
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Mais encore une fois la mise en scène brouillonne et sans génie de David Yates dans ses séquences d’action gâche un peu le plaisir ; sa caméra semble toujours aussi étriquée quand il navigue dans des espaces magiques à la géographie impossible, son travail d’illustrateur n’accouchant bien souvent que de tableaux numériques certes fort jolis, mais symptomatiques d’une direction artistique assez passe-partout et sans personnalité, comme c’est souvent la norme dans le blockbuster hollywoodien.
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Les crimes de Grindelwald se termine sur une petite révélation qui ne manquera pas de rendre impatients les fans de la saga qui, en attendant, se replongeront dans les livres pour y déceler de nouveaux indices. De notre côté, on espérera y trouver un peu plus d’imagination pour la prochaine fois, un réveil de la puissance créatrice d’une J.K. Rowling qui semble ici avoir fait le tour de son univers littéraire.
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birulune 12 avril 2019
Les animaux fantastiques : les crimes de Grindelwald - la critique du film
Tout est dit. Les méchants sont à l’honneur et l’histoire souffre de ses qualités :au lieu de mettre Dumbledore dans l’action, et de créer un univers enfantin, accueillant, on est jeté dans la mêlée et on a du mal à deviner les enjeux de la quête de Dragonneau (un mystérieux pendentif). Grinderwald cherche quant à lui une nouvelle recrue dotée de pouvoirs saisissants et... Ça s’arrête là. Dragonneau est pas là pour mener un combat qui le dépasse et on l’a bien compris. Pas de grande guerre entre le bien et le mal. La montée en puissance des extrémismes et c’est tout. La saga se renouvelle quand même. La relecture du système trumpien est franchement pas évidente (merci de l’avoir expliqué) et le populisme chez les magiciens, fallait oser. Ils ont peur d’une guerre qui aura lieu de toute façon alors ils veulent en profiter pour régner sur les moldus (Camus aurait adoré ce pitch). Ça part dans tous les sens mais on a des repères et des sentiers balisés alors le film se tient sur la corde raide mais il tient.