Le voyage en Arménie

Robert Guédiguian lance Ariane Ascaride sur la trace de ses propres origines arméniennes. Un voyage initiatique qui ne convainc qu’à demi.

L’argument : Se sachant gravement malade, Barsam souhaite retourner sur la terre qui l’a vu naître. Il souhaite également léguer quelque chose à sa fille Anna. Elle est pétrie de certitudes. Il voudrait lui apprendre à douter. Lorsqu’il s’enfuit en Arménie, il prend soin de laisser de nombreux indices pour qu’Anna puisse le rejoindre. Ce voyage obligé dans ce pays inconnu deviendra pour elle ce que Barsam voulait qu’il soit : un voyage initiatique, une éducation sentimentale, une nouvelle adolescence... C’est dans un petit village perdu dans les hautes montagnes du Caucase qu’elle le retrouvera, assis à rêver sous un abricotier en fleur... Sur son identité, sur ses amours, sur ses engagements, Anna doutera et aura grandi.

Notre avis : Jusqu’à présent, la question de ses origines intéressait peu Robert Guédiguian et en bon marxiste, il lui a préféré la lutte des classes. Mais encouragé par sa famille, par des témoignages d’Arméniens immigrés ou non, par l’engagement d’Ariane Ascaride (qui, en plus de tenir le rôle principal, co-signe le scénario), il s’attaque frontalement au sujet.
C’est à travers le personnage d’Anna que le réalisateur effectue ce retour aux sources. Médecin communiste (mais roulant en Mercedes), s’entendant mal avec son père, c’est pour inciter ce dernier à se soigner qu’elle part en Arménie. Elle y découvre un pays en pleine mutation, tiraillé entre un passé de république soviétique soumise par la force et négligée et un développement anarchique, qui laisse la part belle au libéralisme et aux trafiquants en tout genre. Le tableau est assez nuancé : ceux qui s’arrangent avec la loi ne sont pas uniquement animés par des intentions immorales (ainsi le personnage de Gérard Meylan, mercenaire mégalo et généreux) ; Anna, avec ses préjugés de femme aisée, fait souvent preuve de maladresse, malgré la pureté de ses intentions. Son regard, d’abord touristique, se fait sensible, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de s’impliquer sans ambiguïté, soldant au passage quelques comptes avec son histoire personnelle. Elle est amenée à ces découvertes par de belles rencontres qui évoquent passé et futur, regrets et espoir. Ce dernier est représenté par une jeune fille qui après avoir rêvé de partir en France, choisit finalement de rester en Arménie. Le rôle des jeunes gens est d’ailleurs important dans ce film humaniste et finalement optimiste.
Pourtant, Guédiguian ne convainc qu’à moitié. Son récit, riche et fin sur certains aspects, n’échappe pas totalement au didactisme. D’autres part, certains choix formels (comme les recours aux flash-back sonores) semblent peu justifiés. Le film s’en trouve sensiblement alourdi, et ceci d’autant plus que le rythme choisi est lent. On n’en est que plus surpris de le voir verser brièvement dans le polar, de manière aussi abrupte que peu crédible. Ces artifices ont malheureusement pour effet d’atténuer les émotions ressenties devant ce récit initiatique à demi abouti, donc, mais non dénué de beauté.