Esthétique du vent
Le 29 octobre 2024
L’œuvre d’un cinéaste inspiré par tout ce qui l’entoure, entre émotion et humour issu du folklore traditionnel.
- Réalisateur : Aktan Arym Kubat
- Acteurs : Aktan Arym Kubat, Taalaikan Abazova
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Néerlandais, Khirgize
- Distributeur : ZED
- Durée : 1h16mn
- Titre original : Svet-Ake
- Date de sortie : 2 mars 2011
- Festival : Festival de Cannes 2010
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Résumé : On l’appelle Monsieur Lumière (« Svet-ake »). Dans ce village perdu au milieu des montagnes Kirghizes, loin du pouvoir et de l’économie, il entretient les lignes, trafique parfois les compteurs pour venir en aide aux plus démunis. Cœur ouvert et généreux, il ne leur apporte pas seulement l’électricité : il écoute, conseille, conforte les peines et tempère les disputes conjugales de ces villageois oubliés par la civilisation moderne. Monsieur Lumière a un rêve : construire sur les montagnes des éoliennes pour alimenter toute la vallée en électricité. Mais il va devoir faire face à des hommes puissants et corrompus qui sont les nouveaux maîtres du pays.
Critique : Un village irréel, perdu dans les steppes, a vécu une longue existence sans électricité. D’une vie désolée, abandonnée aux vents, voici qu’un jour soudain la lumière surgit. Un bonheur illusoire car les habitants pauvres ne peuvent payer ni les compteurs ni les factures de consommation. Commence alors la bataille de l’électricité. Un type du village remarquablement doué apprend vite à trafiquer les compteurs, à se servir d’un seul pour brancher clandestinement tout son quartier. C’est le voleur de lumière.
Soudain les lumières aveuglent les villageois mais alertent aussi les salariés de la compagnie nationale d’électricité. Ces derniers tentent d’arrêter les dégâts, mais sitôt reparti le voleur de lumière se remet au travail.
Il a fallu des années pour que ce film trouve un financement suffisant et aspire à une voie d’exportation digne de ce nom. Au final, il serait dommage de reculer devant ce petit joyau d’une sincérité désarmante, évitant le plus souvent les écueils de la naïveté. Le récit se concentre sur le combat d’un électricien qui vient voler les sources de lumière pour la donner à ceux qui n’ont plus les moyens de payer leurs assommantes factures. Le voleur de lumière est un film simple qui dit avec une grande économie de moyens l’opposition entre le monde urbain et les villages reculés, l’électricité devenant à tout prix une métaphore politique, une lumière redonnée à ceux qui vivent dans l’ombre des zones évoluées et surpeuplées.
Le cinéaste, lui-même villageois, se défend de nous montrer un seul plan d’une société industrialisée et prise dans les filets de la technologie ; excepté la présence de quelques voitures, l’action se situe dans la rusticité d’un village montagneux. Et de ce retranchement naît une passion pour les choses simples, les mots et les visages, les présences, les touches burlesques aussi. Il n’y a aucune violence rude dans ce film généreusement humaniste. L’action évolue par bribes inégales, préférant la succession improvisée à la scénarisation millimétrée qui sans doute enlèverait au film son immense charme. Car c’est une esthétique en soi que l’on voit dans cette totale liberté de mouvements, de situations et de lieux.
L’œuvre semble guidée au gré du vent, la révolte politique grondant sous le ciel orageux et les pointes d’émotion et d’humour sur les jeunes souffles du vent frais. Voilà un élément immatériel qui pourtant semble manifester sa présence à l’écran, par le son mais aussi en rendant vivant les beaux cadres du metteur en scène ; parfois sur les zones ensoleillées d’un plan, l’ombre des branches d’arbre se déplace de gauche à droite. On a l’impression d’assister à une Nature vivante guidant tout simplement ce film adorable dans le rythme mouvant de ses éléments. Le voleur de lumière devient alors, en plus d’être un film au caractère engagé - du moins jusqu’à une certaine mesure, sans aucune violence - , l’œuvre d’un cinéaste inspiré par tout ce qui l’entoure, entre émotion et humour issu du folklore traditionnel, toujours dans l’intimisme et dans l’absence d’hésitation. On pourrait croire qu’il se saisit peu à peu d’une esthétique fugitive. Celle du vent...
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