Le 24 août 2017
Une farce cruelle et drôle, petite merveille oubliée et donc à découvrir : Alberto Sordi y est inoubliable.
- Réalisateur : Dino Risi
- Acteurs : Alberto Sordi, Franca Valeri, Livio Lorenzon, Enzo Petito, Nando Bruno, Nanda Primavera
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc, Comédie noire
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Acacias, SNC (Société Nouvelle de Cinématographie)
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Il vedovo
- Date de sortie : 30 août 2017
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– Année de production : 1959
Résumé : Un jeune entrepreneur plein d’initiatives commence à rencontrer de graves difficultés.
Critique : Tourné juste après Pauvres millionnaires, Le veuf contribue à forger la comédie italienne grinçante dans ce qu’elle a de meilleur : on y trouve tous les ingrédients qui vont établir les codes de ce genre, qui s’élèvera bientôt au rang de trésor national ; et d’abord, évidemment, les interprètes avec ici, un Alberto Sordi royal, aussi bien dans le chagrin (souvent faux) que l’enthousiasme. Hâbleur, séducteur ou vil, il incarne magistralement, avec ce qu’il faut de cabotinage, un type, celui du bavard trop sûr de lui mais totalement incompétent. Industriel raté, il a épousé une femme riche qui le méprise et qu’il trompe mais se désespère qu’elle ne finance pas ses projets délirants. Toute la première partie du film est centrée sur l’humiliation perpétuelle dont il est la victime (ses débiteurs ou son épouse le harcèlent et l’injurient copieusement) ou l’auteur (son collaborateur, le marquis, est traité comme un laquais). De ce tableau que Risi découpe peu, assurant à son acteur la maîtrise d’un jeu éloquent, ressort la description d’une vie infernale, passée à fuir les gêneurs et à pallier les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent sans jamais les affronter réellement. Alberto emprunte toutes les voies, même les plus mesquines, pour échapper aux dangers immédiats, comptant sur les autres et rejetant la faute sur eux, dans un cercle permanent de boucs émissaires. Circulation de rôles, mais aussi d’objets, qu’Alberto vole à sa femme pour offrir à sa maîtresse.
- Copyright 1959 SNC/Compass-Movietime
Le film franchit ensuite une étape quand on annonce le décès de l’épouse dans un accident de chemin de fer ; cette mort avait été en quelque sorte annoncée par la première séquence, dans laquelle Alberto raconte le rêve de son veuvage joyeux ; double annonce en fait, puisque la trépassée revient, le rêve a duré quelques heures. Dans la peinture de l’hypocrisie, Sordi se révèle encore une fois prodigieux par son mélange de déploration hypocrite et d’appétit de vivre, ce dernier incarné sans failles par une énergie débordante. Il faut le voir embrasser ses employés et repousser vers d’autres toutes les responsabilités, ne pas avoir faim et dévorer le melon, ou déclarer à tout bout de champ qu’il n’arrive pas à pleurer, ce qui apitoie davantage son auditoire. Risi ne cesse alors de multiplier les personnages à l’écran en un débordement de paroles qui combinent astucieusement le chagrin et les affaires.
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Le retour de la disparue est traitée avec une remarquable économie de moyens, en utilisant en particulier la profondeur de champ. S’ensuit un projet pour la faire disparaître, que Risi filme comme une parodie de film noir, éclairage et musique compris. C’est sans doute la meilleure partie du métrage, sa plus sarcastique aussi, puisque ses collaborateurs ne voient pas d’obstacles au meurtre du moment qu’ils sont payés. D’ailleurs, le thème de l’argent, aussi omniprésent que Sordi, est majeur : Risi décrit une société gangrenée par l’appât du gain, au détriment constant de l’humain. Ainsi, quand au retour de sa « retraite spirituelle », Alberto se retrouve devant le choix entre une vie d’ascète et la « course à l’argent », il déclare fièrement et sans hésiter choisir la seconde solution. De même sa maîtresse est-elle tentée de partir avec un vieux riche, et si elle renonce, c’est devant la possibilité d’un profit (et peut-être un peu de sentiment…).
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Féroce, immorale, la farce peint avec une vigueur peu commune un monde de combines et de mensonges, un monde de perdants magnifiques jamais à court de projets. Et malgré la détestation que l’on devrait éprouver pour ce personnage manipulateur (et accessoirement raciste), Sordi en fait un être attachant, presque une victime ; au fond, malgré tout, il reste sympathique et pitoyable. Peut-être aussi la drôlerie de nombreuses scènes contribue-t-elle à minimiser ses méfaits, et à faire du film une comédie indispensable aux amateurs, et aussi aux autres.
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