Le 18 mars 2020
Un sommet du cinéma de Jerry Lewis, d’une vraie richesse visuelle et d’une drôlerie irrésistible.
- Réalisateur : Jerry Lewis
- Acteurs : Jerry Lewis, Helen Traubel , Kathleen Freeman, Buddy Lester, Gloria Jean
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Paramount Home Entertainment
- Durée : 1h35mn
- Reprise: 10 juillet 2013
- Box-office : 926 423 entrées (France) / 171 828 (Paris-périphérie)
- Titre original : The Ladies Man
- Date de sortie : 4 avril 1962
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Résumé : Quand Herbert H. Heebert surprend sa fiancée dans les bras d’un autre, il décide de renoncer aux femmes. C’est alors qu’il est engagé comme homme à tout faire dans un foyer de jeunes filles.
Critique : Le Tombeur de ces dames se situe dans la décennie de cinéma la plus brillante de Jerry Lewis, qui culminera avec Docteur Jerry et Mister Love, son chef-d’œuvre (1964). Après des duos avec Dean Martin, Lewis devint son propre metteur en scène dans des films qui l’ont propulsé grande vedette de la Paramount. Le récit commence par un slow burn, procédé remontant au burlesque muet et consistant à présenter un gag qui entraîne une série de catastrophes en cascade. Dès ce début, Lewis montre aussi son goût pour le travestissement : sa silhouette de vieille dame précède celle d’une mère éplorée au mariage de son fils, puis d’autres personnages. Mais la figure centrale est bien Herbert H. Heerbert. Le synopsis est vraiment secondaire, tant le film ne repose pas sur le déroulement d’une intrigue, mais plutôt une succession d’effets visuels et de numéros artistiques. L’acteur y peaufine son personnage de garçon maladroit et grimaçant, dont la bienveillance est toujours trahie par une malchance et une série de circonstances explosives. Gros succès commercial, le film a longtemps été incompris de la critique, surtout américaine, qui n’y vit qu’un enchaînement de pitreries d’un humour douteux. À sa sortie, Libération déplorait un « gâtisme précoce qui doit donner bonne conscience au plus attardé des Américains qui trouve […] plus bête que lui ». Cette lecture au premier degré de la narration ne rend pas justice à un film d’une vraie richesse visuelle, et d’une drôlerie beaucoup plus fine qu’elle n’en a l’air. L’énormité de certaines situations n’est que le prolongement d’une tradition qui remonte au slapstick et autres excès d’un cinéma comique illustré naguère par Mack Sennett ou Hal Roach, et dont on trouvera bien plus tard un écho chez Mel Brooks, par ailleurs collaborateur au scénario du Tombeur de ces dames. Le passage avec le « bébé » (tigre ?) ou celui présentant des offreuses d’emploi présumées nymphomanes convoquent les références de L’Impossible Monsieur Bébé ou de Hellzapoppin, film étalon du loufoque surréaliste. On songe même au ton de comédie poétique et aux procédés de Jacques Tati : quand Helen, la cantatrice, répond aux questions du journaliste de télévision (subtile mise en abyme), Lewis est dans le même plan, obligeant le spectateur à se concentrer sur deux actions en même temps. Le pensionnat est construit dans un décor sans murs, la caméra passant de chambre en chambre ou présentant des plans d’ensemble nous contraignant à observer les personnages de plusieurs pièces à la fois. De Tati, on glisse ici au Hitchcock de Fenêtre sur cour. Lewis transcende ces influences et se révèle plasticien hors-pair, usant d’un jeu de couleurs qui culmine avec les séquences musicales. Signalons que l’acteur et réalisateur, s’il est présent dans presque tous les plans, n’oublie pas de mettre en valeur ses partenaires : la palme revient ici à la désopilante Kathleen Freeman, actrice de second rôle moins connue qu’une Thelma Ritter ou une Agnes Moorehead, mais dont le talent comique est impayable !
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