Littérature étrangère
Le 2 avril 2020
Dans son deuxième roman, Pablo de Santis s’interroge sur les secrets et le fonctionnement de la mémoire. On y côtoie une galerie de personnages flirtant constamment avec la mort, partagés entre le désir d’avancer et de comprendre leur histoire, plongés dans une atmosphère oscillant toujours entre fantasme et réalité.
- Auteur : Pablo de Santis
- Collection : Bibliothèque hispano-américaine
- Editeur : Métailié
- Genre : Roman
- Nationalité : Argentine
- Traducteur : René Solis
- Date de sortie : 5 septembre 2002
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Résumé : Etrange destinée que celle du docteur Nigro, spécialiste de la mémoire et dont on a du mal à se souvenir, au point qu’il est surnommé le "docteur Personne". En enquêtant sur la vie d’un amnésique arrivé dans son service, Nigro va découvrir l’amour avec Luciana, la femme de son patient, puis plonger au cœur du mystère de l’institut Fabrizio, où il a été formé avant d’en être écarté. Au centre de l’enquête se trouve le théâtre de la mémoire de Giulio Camillo. Un édifice fantastique qui se veut représentation du monde et support de la mémoire, conçu à partir de fragments de cartes, de plans inachevés et de la tradition orale. L’architecte qui tentait de le reconstituer a brusquement disparu. Son fils a perdu la mémoire pour avoir lu ses notes. Que faisait en réalité Fabrizio, son maître, entouré de son étrange "triumvirat", Lex, Mosca et Lisi. A quelles manipulations se livrait-il sur le cerveau et la mémoire ? Quel destin avait-il réservé à Nigro, son plus jeune élève ? Comme dans La Traduction, De Santis marche sur les traces de Borges. Avec son héros, il s’interroge sur la mémoire, sa conservation et sa transmission, dans un texte où tout est signe à déchiffrer, mais son enquêteur est un homme amoureux qui souffre.
Critique : Durant cinq années, Martín Nigro, un jeune médecin, suit une formation au sein d’un institut médical baptisé "la Fondation". Les triumvirs, un trio de chercheurs, y règnent en maîtres, jalousant secrètement le pouvoir et l’influence de son responsable, le docteur Fabrizio, éminent spécialiste de la mémoire. Le jour où Nigro est brutalement écarté de la Fondation à la demande de Fabrizio, il rejoint le service neurologique d’un hôpital. Il est amené à soigner Diagó, un patient amnésique.
Il rencontre Luciana, l’ex-femme de ce patient, avec qui il va se pencher sur le passé de Diagó. Le père de ce malade, célèbre architecte, a dessiné les plans de la Fondation et a été l’ami très proche de Fabrizio. Son dessein était de bâtir, au sein même de la Fondation, le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo. Bientôt, une évidence se fait jour : l’amnésie de Diagó n’a rien d’accidentel et découle de la découverte des notes rédigées par son père.
Le Théâtre de la mémoire, court récit de Pablo de Santis, se lit d’abord comme un roman policier. Tout concourt à bâtir une intrigue dans laquelle le lecteur se laisse rapidement entraîner. On s’interroge sur les mystérieuses motivations des personnages, sur leurs véritables rôles et leurs intentions. Le milieu scientifique, incarné par l’autorité de Fabrizio, apparaît déconnecté de toute réalité, obsédé par le désir de disséquer les secrets de la mémoire humaine, quel que soit le prix à payer.
L’univers au sein duquel gravitent tous ces personnages est bâti à la manière d’un chemin tortueux et infini, comme le labyrinthe de la mémoire dont il est impossible d’explorer tous les recoins. S’interrogeant sur les travaux effectués par son père, Diagó part à la recherche de sa véritable identité et entraîne Nigro dans l’obscur passé de Fabrizio. Les masques ne tarderont pas à tomber.
En mettant en scène les fantasmes scientifiques et les interrogations légitimes de personnages obsédés par leur passé, De Santis instaure un climat étrange, à la limite du fantastique, au sein duquel tous les protagonistes se retrouvent liés. Comme une fatalité, le passé rattrape immanquablement ceux qui cherchent à le fuir et s’en éloigner. A vouloir cerner les rouages incompréhensibles de la machine humaine, ces "savants fous" vont peu à peu basculer dans l’irrationnel et entraîner leurs proches dans cette démence. Nigro n’aura pas d’autre choix que de se plonger dans cette communauté inquiétante dont il fait, malgré lui, partie intégrante.
Pablo de Santis, Le théâtre de la mémoire (El teatro de la memoria, traduit de l’espagnol (Argentine) par René Solis), Métailié, 2002, 153 pages, 15 €
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