Le 21 janvier 2024
Ce premier long métrage vibrant qui décrit avec sensibilité un dilemme amoureux dans une communauté de femmes est servi par d’excellentes actrices.
- Réalisateur : Marine Francen
- Acteurs : Géraldine Pailhas, Françoise Lebrun, Pauline Burlet, Alban Lenoir, Iliana Zabeth, Mama Prassinos
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 15 novembre 2017
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Résumé : 1852. L’armée de Louis-Napoléon Bonaparte écrase la résistance des Républicains. Dans son village de montagne, Violette assiste à la rafle de tous les hommes. Après des mois passés dans un isolement total, Violette et les autres femmes se font un serment : si un homme vient, il sera celui de toutes…
Critique : Coproduit par Sylvie Pialat et coécrit par Jacques Fieschi, ce film fiévreux est le premier long métrage de Marine Francen, ancienne assistante de Michael Haneke et Olivier Assayas, et auteure de quatre courts métrages dont un documentaire. Elle a choisi ici d’adapter L’homme semence, court récit autobiographique de Violette Ailhaud, qui fut institutrice au XIXe siècle. Le premier intérêt du film est de refuser l’académisme d’une reconstitution historique trop méticuleuse, malgré le réalisme des costumes et des décors, l’utilisation habile des paysages naturels arides des Cévennes, ou le contexte du matériau initial, qui insiste sur l’opposition entre les aspirations républicaines du peuple et les velléités monarchiques des élites et de l’armée. L’essentiel est ailleurs, dans ce portrait d’un microcosme féminin partagé entre solidarité et rivalités de personnes, et qui décide un pacte dans l’intérêt de l’ensemble de la communauté. Dans un univers patriarcal où les hommes ont été pris en otage par le pouvoir en place, l’absence de mâles met non seulement en péril l’ordre économique du groupe social, mais aussi l’équilibre psychologique, familial et sexuel d’une gynécée inquiète et frustrée.
L’arrivée de Jean, maréchal-ferrant mystérieux mais charismatique, va dès lors être l’élément à la fois fédérateur et déstabilisant d’un groupe de femmes tant fascinées que contrariées par « cet obscur objet du désir ». Le semeur séduit par son dispositif quasi théâtral et son huis clos en pleine campagne, les événements politiques et les déboires des maris, pères et frères se situant hors-champ. Et le récit dégage une réelle tension lorsque le sentiment amoureux entre Violette et Jean vient rompre l’harmonie du lien entre les paysannes. « Je tenais à ce que le scénario soit tendu du début à la fin […] par le manque d’hommes, la peur l’inconnu, et que cette tension soit relayée dans la mise en scène par des regards, des corps débordant de désir », a déclaré la cinéaste dans le dossier de presse. C’est l’aspect le plus réussi de l’œuvre, bien servie par une photo belle sans être léchée (splendides scènes de moissons, d’une tonalité picturale dans la veine de Renoir), une caméra à l’épaule au plus près des corps, tentant de cerner ce que ressentent ces femmes de l’intérieur, et surtout un casting impeccable.
Pauline Burlet se meut avec délicatesse dans un rôle difficile, tandis qu’Alban Lenoir confirme sa présence lumineuse à l’écran, après Un Français et Antigang. Géraldine Pailhas compose une mère aussi bien protectrice que méfiante, étrange écho à son personnage de Jeune & jolie. On citera aussi Françoise Lebrun, jouant à la fois sur le registre de la douceur et de la ténacité, ainsi que la débutante Iliana Zabeth, révélée l’an passé dans Mercenaires, parfaite en confidente bienveillante. On pourra par ailleurs déceler des correspondances avec d’autres films axés sur des communautés féminines, du Groupe de Sidney Lumet au récent Les proies de Sofia Coppola. La semeuse n’atteint cependant pas leur dimension, la faute à un format qui peine à hisser certaines scènes au-dessus du niveau d’un téléfilm de qualité, et à des dialogues et situations d’un féminisme anachronique qui sonne parfois faux, malgré l’authenticité supposée des faits. Ces réserves n’empêchent pas La semeuse de témoigner d’un véritable souffle et on attend avec intérêt le second long métrage d’une réalisatrice dotée à la fois d’une sensibilité artistique et d’une solide maîtrise technique.
– Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz 2017 : Prix du Jury des Jeunes
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