L’enfer est à lui
Le 28 juillet 2014
Pour une fois dans son œuvre particulièrement sombre, Fritz Lang décide de s’amuser. Profitons-en, le résultat est vertigineux.


- Réalisateur : Fritz Lang
- Acteurs : Michael Redgrave, Joan Bennett, Natalie Schafer , Anne Revere, Paul Cavanagh, Anabel Shaw, Barbara O’Neil, James Seay
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h38mn
- Reprise: 17 septembre 2014
- Titre original : The Secret Beyond the Door
- Date de sortie : 13 août 1948
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma

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Résumé : Celia Barrett est une héritière richissime qui attend le grand amour pour enfin se marier. Lors d’un voyage au Mexique, elle rencontre Mark Lamphere et tous deux tombent amoureux l’un de l’autre. Celia épouse Mark et découvre un être étrange qui lui a tout caché de sa vie passée...
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Critique : Souvenez-vous : dans Merci pour le chocolat, Isabelle Huppert offre à son beau-fils cinéphile une cassette vidéo du Secret derrière la porte avant de se débrouiller pour qu’il disparaisse définitivement de la surface de la Terre. Perverse Huppert, qui reprend dans ce drame de Chabrol le rôle ingrat et ambigu tenu par Michael Redgrave dans Secret Beyond the Door. Pour les deux personnages, le drame est le même : leur passé ne passe pas, il est toujours là, il se répète indéfiniment à l’insu de leur entourage. C’est aussi le drame de Mae dans Le démon s’éveille la nuit. Peut-on, chez Lang ou Chabrol, échapper au fatum de la répétition ? Ces personnages sont-ils délibérément mauvais, ou fatalement mus par des pulsions vieilles comme une petite enfance mal digérée ?
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On fait grand cas de "la psychanalyse" au sujet de ce film superbe, d’une matière riche, imprévue et volontiers baroque. Certes, il a été réalisé trois ans après La maison du docteur EdwardEs de Hitchcock, et les références explicites à la psychanalyse ne sont pas rares. Notons néanmoins que Fritz Lang et la très charmante Joan Bennett font preuve d’un humour et d’un détachement envers les interprétations freudiennes (lors de la fantastique visite des "chambres des douleurs" notamment, clou du film et grand moment de cinéma) qui permet de voir dans ce film une œuvre noire beaucoup plus subtile et ironique que l’"explication" freudienne d’un destin. Peut-être même est-ce l’intérêt de l’intrusion du Secret derrière la porte dans Merci pour le chocolat : loin d’expliquer la névrose très imaginative (et cinématographique) de son personnage, Fritz Lang bien avant Chabrol préfère... le cinéma. Il préfère raconter plutôt qu’expliquer. La "triste mythologie" du maître viennois devient un réservoir inépuisable, libérateur, coloré des fictions les plus folles. Il préfère les plaisirs de l’intrigue façon Hitchcock (à plusieurs reprises, on soupçonne Mark de vouloir réaliser le "crime presque parfait") aux pensums névrotiques façon Tennessee Williams.
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Il faut donc voir ou revoir le minois mi-circonspect et mi-naïf de Joan Bennett, ses fabuleux tailleurs pantalons à pois, la suite hallucinante de ces chambres collectionnées par l’époux timbré et se laisser aller à une intrigue avec laquelle Lang joue à nous faire peur. Le secret derrière la porte - avec La femme au portrait, mais en mieux - c’est la récréation que nous a laissée Fritz Lang dans une œuvre particulièrement sombre : profitez-en, il n’y en a pas beaucoup...
- © Universal Pictures
– Reprise en version HD restaurée : 17 septembre 2014