Le 30 avril 2018
Inspiré du drame d’une actrice réelle, Sybille Schmitz, ce film sur la déchéance est un hommage au cinéma en même temps que la poursuite d’une réflexion sur l’Allemagne. Légèrement décevant, mais très séduisant.


- Réalisateur : Rainer Werner Fassbinder
- Acteurs : Rosel Zech, Hilmar Thate, Cornelia Froboess
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Carlotta Films, UGC Distribution
- Durée : 1h44mn
- Reprise: 2 mai 2018
- Box-office : 204 747 entrées France / 102 965 entrées P.P
- Titre original : Die Sehnsucht der Veronika Voss
- Date de sortie : 18 février 1982

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– Ours d’or Berlin 1982
– Ce film est compris dans le prestigieux coffret Carlotta Rainer Werner Fassbinder, vol. 2, paru le 18 avril 2018
Résumé : Une ancienne star du cinéma allemand sombre dans l’alcoolisme et la drogue pour oublier ses succès passés. Le reporter Robert Krohn découvre que la mystérieuse doctoresse qui soigne Veronika se livre à d’étranges activités.
Notre avis : Avant-dernier film de Fassbinder, dernière partie de la trilogie allemande (mais seconde dans l’ordre voulu par l’auteur), Le secret de Veronika Voss est un hommage stylisé au cinéma classique, que ce soit le mélodrame ou le noir. On y retrouve des échos multiples, de Sunset Boulevard à En quatrième vitesse, mais c’est davantage dans l’ensemble de la démarche que le cinéaste impose un ton sombre et mélancolique, comme le regret d’un temps disparu. Le journaliste pugnace, la doctoresse machiavélique, le meurtre du témoin, le complot médical, tout cela relève de stéréotypes anciens, accentués par des procédés, que ce soit les volets ou les fermetures à l’iris, sans que jamais le second degré ne vienne interférer avec la narration.
Hommage sincère donc, très soigné, mais aussi recherche formelle qui se poursuit : Fassbinder traite la lumière ici comme il traitait la couleur dans Lola, une femme allemande, dans un anti-naturalisme clinquant : ainsi de la clinique plus que blanche, aveuglante ; ou de la flamme d’une bougie qui illumine le visage de Veronika au-delà du possible. C’est qu’encore une fois il s’agit de créer un monde à sa convenance, artificiel – comme les paradis prodigués par la morphine dans le scénario – pour dire le vrai d’une société, dans laquelle l’ex-star n’a plus sa place, non seulement parce qu’elle a vieilli, mais encore parce qu’elle représente ce passé qu’on veut oublier, ce nazisme qui a tant occupé Fassbinder. Témoin ce vieux couple, dont l’homme a été envoyé à Treblinka, et qui se suicide, résigné à l’oubli. Ainsi disparaissent les traces gênantes, car « si le contrôle est parfait, les hommes ne le sont pas ».
Évidemment, Le secret de Veronika Voss, fidèle aux dernières années du cinéaste, est un modèle de maîtrise : travellings soyeux, cadrages impeccables, acteurs de haut vol. Mais en transposant son univers dans un genre et ses stéréotypes, Fassbinder n’évite pas toujours la virtuosité gratuite. Pas aussi émouvant qu’il le devrait, un poil trop long, le film n’égale pas ses grandes réussites. Et pourtant il séduit, par sa construction, par sa mélancolie sourde, mais également en raison du fait qu’il forme avec ses autres œuvres un ensemble d’une remarquable cohérence, une interrogation sur l’Allemagne, sur le cinéma et sur l’humain qui n’en finit pas de nous questionner.