Le 4 octobre 2015
Un mélodrame, un vrai, dont les stéréotypes sont transcendés par un regard profondément spirituel.
- Réalisateur : Teuvo Tulio (Theodor Tugai)
- Acteurs : Sirkka Salonen, Olga Tainio, Kaarlo Oksanen
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Finlandais
- Durée : 1h48
- Titre original : Unelma karjamajalla
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– Reprise : le 7 octobre 2015
– Année de production : 1940
L’argument : Une jeune servante se laisse emmener par le fils noceur d’une grande ferme, sous les regards jaloux d’un frère juste et d’une domestique brune.
Notre avis : Comme tous les films de Tulio, cinéaste finlandais récemment découvert en France, Le Rêve dans la hutte bergère est un mélodrame, qui non seulement ne cache pas ses origines larmoyantes, mais semble les revendiquer en n’omettant aucun des stéréotypes qui se rattachent au genre ; par moments, on se frotte les yeux, incrédule, mais le cinéaste ose aller au bout d’une démarche extrême en se confrontant sans second degré à des caractéristiques sorties tout droit du dix-neuvième siècle. Et c’est un festival, entre la blonde pure, l’argent corrupteur, fille-mère séduite et abandonnée, la religion qui rachète et même, cliché suprême, des bohémiens voleurs d’enfants. À la lecture du seul scénario, il y a de quoi fuir à toutes jambes.
Et pourtant, Tulio compose un film audacieux, bouleversant, qui repose sur une vision du monde à nulle autre pareille. Il exagère les stéréotypes par des oppositions terme à terme : la brune contre la blonde, les deux frères ennemis, la lumière et l’ombre, le bien et le mal. Mais il les double de parallèles surprenants : la vitesse du cheval renforcée par celle des rapides, par exemple. La construction s’avère ainsi profondément structurée en une unité cohérente qui rend compte d’un regard religieux, mis en avant par le dialogue puis par la dernière séquence dans une église. L’image du Christ y est présentée en contre-champ, avant qu’une lumière inexplicable dessine un rayon unificateur.
Mais évidemment l’originalité du film vient surtout de l’utilisation de la nature : de nombreux plans contemplatifs (nuages, rivière) sonnent comme un regard panthéiste qui met l’homme à sa juste place, et la séquence qui mêle le chevreau perdu à l’enfant volé dit assez la correspondance entre nature et humanité. Le réalisateur n’hésite pas à largement privilégier ces séquences ou celles de travaux des champs, élégiaques autant qu’esthétiques. Nulle trace ici de moquerie ; on est dans la naïveté ou la fraîcheur candide qui rappelle par moments le cinéma muet : voir la bataille des frères, dont les bruits sont supprimés au profit d’une paraphrase de Bach. Tulio ne craint pas non plus l’artifice dans le traitement du temps : les ellipses importantes succèdent aux séquences à la durée dilatée. De même la lumière qui nimbe le visage de Sirkka, les regards langoureux ou extatiques des personnages sont-ils à mille lieues du réalisme. C’est que Tulio conçoit le cinéma comme une réinvention du monde à la mesure de sa vision, et non pas comme l’enregistrement de ce qui est. Cette réinvention joue de nombreux procédés, de la surimpression aux volets, du très gros plan au noir de la fin pour atteindre une dimension spirituelle très personnelle.
En même temps que ce film sort Le Chant de la fleur écarlate, qui permet de compléter notre appréhension de l’auteur.
La critique : ICI
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