Le 28 mars 2017
Dino Risi signe une satire féroce, revigorante, malgré quelques faiblesses.
- Réalisateur : Dino Risi
- Acteurs : Vittorio Gassman, Ann-Margret, Yvonne Sanson, Fiorenzo Fiorentini, Oreste Lionello, Liana Orfei, Enzo Robutti
- Genre : Comédie, Romance
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Titanus
- Editeur vidéo : ESC Éditions
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Il profeta
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– Année de production : 1968
Résumé : Après avoir passé cinq ans au sommet d’une montagne, totalement coupé du monde, Pietro, dit "le Prophète", revient en ville et va faire fortune. Il va y gagner une certaine popularité. Pietro a un ultime souhait : retourner sur les montagnes, mais une gracieuse jeune femme va tenter de le convaincre d’ouvrir un restaurant pour continuer à faire de l’argent en exploitant le personnage.
Critique : Comme dans ses meilleures comédies, Risi use de sa verve à des fins satiriques, puissamment secondé par Vittorio Gassman ; avec Le prophète, il s’attaque à forte partie, c’est la société de consommation dans son entier qui est visée. Certes, le film a vieilli, fruit d’une époque « baba » qui paraît bien lointaine ; d’autant que la musique est insupportable, qu’elle vise la scie à la mode ou la mélopée « hindoue ». De même certains gags tombent à plat ou sont hors d’âge (la glissade sur le parquet, par exemple). Non, décidément, cette comédie n’atteint pas les sommets risiens et patine un peu dans la durée.
- © 1968 Fair Film. Tous droits réservés.
Pourtant, la satire, féroce, n’a rien perdu de sa force : la dénonciation à boulets rouges ne manque aucune cible, en une accumulation jouissive. Presque chaque séquence est une charge qui reste actuelle en grande partie. D’autant qu’elle n’est pas trop manichéenne : d’abord parce que son personnage, antipathique souvent, puritain, n’est pas le pur incorruptible qu’on pourrait croire. Mais surtout, en visant toutes les tares de notre société, Risi fait mouche et nous tend un miroir déformant impitoyable : l’aliénation par le travail ou la consommation, l’omniprésence de la pornographie, de la publicité, la pollution, l’obsession sexuelle (ah ! Cette scène des abbés se retournant sur une minijupe !), la vénalité, la récupération, le snobisme… Tout y passe, et le jeu de massacre, vif et joyeux, est sanglant. Le cinéaste montre à quel point le capitalisme engloutit et digère tout, même celui qui s’y oppose : Pietro cède à Maggie, puis mange de la viande, prend un bain… et finit par céder sur les idéaux. C’est que la capitulation, même anodine, ne peut qu’entraîner une capitulation générale. Pas de cœur pur ici, rien que de l’humain faible face à la tentation.
- © 1968 Fair Film. Tous droits réservés.
Le film est aussi la description d’une énergie : Pietro passe d’un mouvement perpétuel dans la montagne à des accès colériques ; mais la ville, cet enfer moderne, lui ôte peu à peu son dynamisme, le remodèle en mari actif mais discipliné ; à l’image de sa chèvre, il est dévoré par la société. De sa belle énergie dispensée gratuitement ne subsiste plus qu’un zèle au travail.
- © 1968 Fair Film. Tous droits réservés.
Nombre de séquences sont réussies, si l’on admet la veine caricaturale, mais ce qui l’emporte au fond c’est un constat désabusé. La fin particulièrement amère signe le triomphe de la société : Pietro gagne de l’argent avec ce qui était un idéal et n’est plus qu’un argument de vente. En ce sens le film est très noir, il dessine un trajet d’échec, un renoncement. Ne restent que les embouteillages et l’argent alors que trône dans le restaurant un tableau qui sonne comme un rappel ironique.
Risi et Gassman n’aimaient pas trop ce film ; de fait on est loin du Fanfaron ou de Parfum de femme pour ne citer qu’eux. Pourtant les arguments en sa faveur ne manquent pas : outre les interprètes, la virulence jusqu’au-boutiste garde une puissance intacte. Pour les amateurs de comédie italienne, mais aussi pour les simples curieux, ce Prophète est un témoignage précieux et fécond.
Les suppléments :
L’entretien avec Stéphane Roux est riche d’informations (sur la réception, la carrière d’ Ann-Margret), mais bien court (9mn). Un quart d’heure de bandes-annonces de la collection s’y ajoute.
L’image :
Bien sûr, quelques séquences trahissent l’âge du film ; mais le Blu-ray propose une copie sans tâche, équilibrée, précise autant que possible : une restauration de haut vol.
Le son :
Les dialogues sont nets, impeccables (mais l’habitude de tout post-synchroniser est décidément bien étrange) ; la musique est par moments légèrement éraillée, surtout au début.
– Sortie DVD & Blu-ray : 28 mars 2017
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