Littérature
Le 24 avril 2002
Une grille de lecture limpide et efficace de l’extrême droite en France.


- Auteur : Mathieu Lindon
- Editeur : Editions P.O.L
- Genre : Document
- Nationalité : Française

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Publié en 1998, Le procès de Jean-Marie Le Pen, de Mathieu Lindon, a conservé toute son actualité. Et sa (re)lecture désespère autant qu’elle stimule l’esprit, en proposant une grille de lecture limpide et efficace de l’extrême-droite en France aujourd’hui.
L’histoire est simple : un militant du Front national a abattu de sang-froid un adolescent arabe. Son avocat, un jeune homme de gauche, entend faire de ce procès celui de Jean-Marie Le Pen, celui du "patron" et non pas de "l’homme de main". Cela au risque de passer lui-même pour un lepéniste, d’y briser sa prometteuse carrière, d’y perdre ses amis.
Ce roman (terme qui n’empêcha pas l’auteur et son éditeur Paul Otchakovsky-Laurens de se faire condamner pour diffamation à la suite de la plainte du Front national...) aborde ainsi un problème essentiel : fait-on le jeu de l’extrême-droite en demandant à son leader de répondre de ses propos ? En cessant de couvrir de honte ses militants et en leur reconnaissant des "circonstances atténuantes" ? En essayant de montrer que personne ne naît raciste, mais qu’on le devient à cause d’une "idéologie haineuse", d’"ignominies" comme celles que propage Jean-Marie Le Pen ?
C’est ce que défend l’avocat, conscient du danger, conscient, aussi, que celui qui arme le bras et celui qui tire ne sont pas les seuls en cause, mais que celui qui laisse le premier parler a aussi sa part de responsabilité : "Depuis des années déjà, dans des discours publics qu’aucune autorité n’a cru nécessaire ou légal, sauf cas exceptionnel, de censurer, le président du Front national appelle à la haine contre ceux, Français ou pas, qui n’ont pas la peau de l’exacte couleur qui lui convient. Il souhaite que la France s’en débarrasse."
"Le combat contre le racisme, malheureusement, est en passe de redevenir la priorité des priorités pour notre société", annonçait Mathieu Lindon. Qui, plus loin, ajoutait : "Le Pen pèse sur nous tous. C’est pour ça que son procès est à faire tous les jours, qu’il se fait à chaque instant. Partout, tout le temps, des vies changent parce que Le Pen est là, il a ce pouvoir de transformer des hommes en bourreaux et d’autres en victimes." Le Pen sème "la haine" et son procès, même fictif, rappelle qu’il est urgent de planter d’autres graines.
Mathieu Lindon, Le procès de Jean-Marie Le Pen, P.O.L., 145 pages, 12,20 €