Le 10 janvier 2019
A partir d’un sujet potentiellement mélodramatique, François Bégaudeau propose une pièce subtile qui aborde l’un de ses thèmes favoris : l’émancipation.
- Auteur : François Bégaudeau
- Editeur : Editions Théâtre Ouvert
- Genre : Théâtre
- Date de sortie : 4 janvier 2008
- Plus d'informations : Le site officiel
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Date de parution : 01/10/2008
Résumé : Une femme annonce à son mari et leurs deux enfants qu’elle quitte la maison pour vivre avec son amant. S’ensuit un conseil de famille : conversation à quatre où tout se dit sans détour et où tous les sujets - le devoir de philo de la fille, la sexualité des parents, la copine du fils - sont abordés pêle-mêle. Mise à plat radicale d’une situation, des objets, des sentiments, {Le Problème} déjoue les clichés de la famille traditionnelle. Subtilement, la pièce déplace les rôles de chacun.
Notre avis : Première pièce écrite par François Bégaudeau, Le Problème aborde un thème cher à l’auteur : l’émancipation féminine et les résistances qu’elle rencontre. La question sous-jacente à cette oeuvre se formule simplement : de nos jours, une femme peut-elle quitter son mari, sans qu’on lui rappelle encore qu’elle délaisse ses charges domestiques (s’occuper de la maison, élever les enfants -si elle en a-, bref se conformer à un "éternel féminin" que Simone de Beauvoir avait déjà dénoncé en son temps) ? Le constat formulé par son époux Alban –« tu nous mets devant le fait accompli »- prouve que les modalités mêmes du départ, annoncées sous forme de lettre, ne lui agréent pas. L’implicite de la remarque paraît évident : il n’aurait pas fallu que la discussion s’entame à partir d’une décision prise d’avance. Sans doute l’homme avait-il dans l’espoir d’infléchir le choix de sa femme, lui qui ne supporte pas d’être quitté pour un autre. Mais investir cette tentative hasardeuse, c’est justement profiler une résolution qui n’est pas la sienne et se substitue à ce qu’elle a choisi.
Privilégiant d’abord le rapport de force pour la contraindre au doute, le personnage rend bientôt les armes, conscient qu’il ne peut entraver cette "force qui va", tranquillement, sans violence. Le départ d’Annie adviendra, sans que le texte nous inflige les déchirements propres à une certaine dramaturgie théâtrale. Une dernière cigarette, une douce impulsion de la mère pour signifier son congé, tout cela vaut mieux que des portes fracassées et des stridences convulsives, pour performances d’acteurs.
Les réactions des enfants, confrontés à ce départ inattendu, provoquent un clivage de sexes signifiant : dans un premier temps, père et fils, réunis par l’onomastique (Alban/Adam) s’acharnent à disqualifier la décision, figurent les invariances du patriarcat, qui empruntent le détour -classique- de la culpabilisation. Sous-jacente à certains propos tenus par ces deux faux matamores, l’idée qu’une épouse doit demeurer éternellement fidèle à son foyer fait nettement son chemin. Les femmes leur opposent une mutuelle compréhension, d’autant plus consistante qu’elle ne cède jamais aux sarcasmes gratuits. Pas envie, pas besoin.
De fait, cette solidarité est nettement ressentie par les deux hommes, ce qui accentue l’intensité des conflits entre Julie -la fille- et Adam, d’une part, Alban et Annie, d’autre part. Mais la situation s’apaise à mesure que le "problème" se dénoue, jusqu’à instiller le sentiment d’une douce résignation chez l’ensemble des protagonistes. Le départ de mère oblige à une reconfiguration des existences de chacun, qui se cristallise autour de la scène finale du repas, où les personnages parviennent, sans dégâts, à reprendre le cours d’une vie « normale ». Il y aura donc un « après » Annie, qui n’exclut absolument pas l’amour qu’on lui porte. Mais il ne s’agit pas d’un sentiment possessif.
Finalement, c’est Julie qui résume l’affaire, avec une désarmante sincérité : « Je veux que tu sois heureuse ». Peu d’auteurs parviennent à cacher le noeud de l’émotion dans le pli des phrases. François Bégaudeau en fait partie.
Parution : 04-01-2019
Editions Théâtre ouvert - Tapuscrit numéro 119
90 pages - 14cm x 20cm
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