Petites magies
Le 22 octobre 2003
Un roman subtil et labyrinthique qui brouille les pistes et donne à son frêle personnage une immatérielle mais touchante consistance...


- Auteur : Agnès Desarthe
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : Française

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Est-elle la victime d’une machination où juste la proie consentante des spectres qui l’habitent ? Et est-ce vraiment elle, la victime ?
Frédelle a un nom peu commun. Elle entend des voix, porte en elle un monde étrange et communique tout naturellement avec une assemblée de défunts.
Elle est psychologue scolaire, mais certains disent qu’elle ferait une dépression nerveuse.
Elle se passionne pour le cas d’un enfant surdoué aux yeux jaunes, et se marie avec un homme parce qu’il a une voiture, de longues mains brunes aux ongles roses et des yeux plus larges que la normale.
Bref, Frédelle est une fille étrange. Pourtant, dès les premières pages elle nous paraît curieusement proche, jusque dans ses bizarreries finalement si familières.
Frédelle, c’est juste une fille qui tente de vivre après un deuil. Une fille un peu fragile dont on découvre peu à peu les souffrances et les petits émerveillements. Son monde à part, son chemin de lune.
Après la mort mystérieuse de son mari qu’elle venait à peine de rencontrer, Frédelle se retrouve seule avec les millions du disparu, dans une immense bâtisse sur le déclin que le couple n’a pas eu le temps de rénover. Dans "sa chambre bâchée qui imite à merveille le jardin figé sous sa pellicule de givre", elle vit au rythme de ses songes et de ses souvenirs.
Autour de la jeune femme et de son argent, proie apparemment facile et innocente, gravitent des personnages plus ou moins recommandables. Son père et sa grosse moto noire, dont le seul bruit suffit à la faire frémir, sa mère dont la tombe s’élève dans un lointain village écrasé de soleil, et qui lui rend parfois des visites imprévues. Marcia, l’amie de l’adolescence qui resurgit pour un étrange pique-nique nocturne et divinatoire autour d’un planisphère, Victor-Hugo Espinoza, un séduisant banquier espagnol dont l’accent la rend folle et Harold, un jeune peintre en bâtiment expert en mystique féminine médiévale.
Que veulent-ils tous ? Quels sont les vrais liens entre ces personnages qui se frôlent et se succèdent ? De quelle étrange histoire Frédelle est-elle l’involontaire et fragile héroïne ?
Avec une fraîcheur et une étrangeté qui n’empêchent pas d’explorer un univers mental complexe et intelligent, Le principe de Frédelle nous fait pénétrer peu à peu dans différents niveaux de réalité, entre lesquels le passage est toujours subtil et changeant. Tout en douceur, il ouvre de petites portes oubliées, où les rituels de l’enfance pansent les profondes douleurs, où les mensonges des adultes se heurtent à la puissance des songes. Frédelle, grâce peut-être aux petites magies noires et blanches qu’elle a su faire naître autour d’elle, gardera sa part de mystère, et une force de petit soldat tranquille et rêveur qui peut permettre, malgré tout, de construire une nouvelle vie.
Agnès Desarthe, Le principe de Frédelle, Editions de l’Olivier, 2003, 266 pages, 20 €