Violent Cases - La chronique BD

Violent Cases relate un épisode de l’enfance du narrateur alors qu’il a une trentaine d’années : lorsqu’il avait 5 ou 6 ans, son père lui cassa accidentellement le bras. Il l’emmena chez un ostéopathe qui se trouvait être l’ancien ostéopathe d’Al Capone. Malgré la jeunesse de son patient, le praticien se confie à lui.

1987. Le comics frémit. On sent déjà les promesses de maturité au sein de petits éditeurs indépendants de Grande-Bretagne relayés par la revue Escape et le réseau de vente par correspondance Fast Fiction. Le mouvement s’amorce pour de jeunes auteurs qui n’ont pas (encore) droit de parole chez des éditeurs comme Marvel, DC ou Warrior… Ce n’est pas ce qui arrête Neil Gaiman et Dave McKean dont la première rencontre se fera pour notre plus grande joie avec cette œuvre pivot, maîtresse : Violent Cases. Plutôt que de dérouler un fil narratif classique et une forme déjà datée pour eux, Gaiman et McKean vont révéler une nouvelle manière de raconter au moyen de sensations, de nuages d’idées. Dans les préfaces notamment signées par Gaiman lors des différentes rééditions, celui-ci confie qu’il savait d’emblée qu’il fallait laisser respirer son script par de gros trous, pour laisser à McKean tout le loisir d’y fondre son style graphique unique, premier moteur du récit. Gaiman se prête au jeu et signe un bel objet plein de souvenirs et de détails de son enfance.

Le duo parvient à trouver le ton juste et l’anecdote devient vite grande nouvelle, au parfum aussi nostalgique qu’un Woody Allen lorsqu’il décrit son enfance dans Broadway Danny Rose. Collage d’images et d’émotions, dessins plus symboliques qu’illustratifs : on sent l’odeur des jeunes années difficiles à se remémorer pour l’auteur. Le sépia et les couleurs brunes esquissent le traumatisme. Violent Cases se fait alors traité de représentation impossible qui tente d’établir son esthétique en prenant en compte l’univers mental et intellectuel d’un jeune homme de 27 ans cherchant à réfléchir comme celui qu’il fut à 5. En tentant de revenir aux sources d’une jeune vie, Gaman et McKean définissent un nouvel élan et reviennent aux sources du comics pour en outrepasser les limites. Résultat : les souvenirs de l’un constituent une nouvelle base de travail stimulante pour l’autre et illustrent à merveille la tendance des années à venir.