Le divin polar
Le 11 avril 2006
Delalande se paie le luxe de se référer à Dante et, sous une plume remarquable, nous plonge sans hésiter dans les cercle de l’enfer.


- Auteur : Arnaud Delalande
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française

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Qu’il est bon de suivre une enquête qui ne se résoudra pas grâce à l’ADN, des recherches sur Internet ou le traçage de téléphone portable. Et quand en plus l’auteur se paie le luxe de se référer à Dante sous une plume remarquable, on plonge sans hésiter dans le cercle.
Si l’on voulait envisager une classification du polar, le genre "culturel" aurait largement sa place, surtout depuis quelques années. Il y aurait même un avant et un après Da Vinci Code, le (hélas) désormais cultissime Dan Brown. C’est donc maintenant avec une certaine défiance qu’on aborde ces romans qui mêlent intrigue policière, Histoire et références artistiques.
Quelle chance ! Arnaud Delalande n’est pas un de ces pseudo-écrivains qui se targuent d’être des érudits et nous prennent pour des imbéciles ignares. Le piège de Dante est un thriller exigeant et foisonnant, ensorcelante association de métaphysique, de mysticisme et surtout de brillante littérature.
Certes, les circonstances se prêtent au mystère. La Venise du milieu du XVIIIe siècle est à son apogée artistique : Tiepolo, Canaletto et Guardi dominent la peinture italienne. La ville est le lieu de toutes les convoitises politiques de par son emplacement géographique stratégique, tout en inondant l’Europe de ses raffinements et débauches. C’est dans cette cité ambivalente que se produit le meurtre atroce de Marcello Torretone. Ce comédien célèbre est crucifié dans son théâtre, les yeux arrachés. L’affaire ne doit pas s’ébruiter : Venise fête son carnaval et il ne s’agirait pas d’effrayer le peuple de la Sérénissime. Pour enquêter, le doge fait appel à l’Orchidée Noire : Pietro Viravolta, voisin de cellule de Casanova, est libéré. Sa réputation d’espion devrait lui être d’une aide précieuse car le meurtre n’est pas isolé et ses investigations le conduisent à interroger sénateurs, hommes d’église, courtisanes et artistes. Il lui faudra un deuxième meurtre tout aussi monstrueux et spectaculaire pour faire le lien : c’est dans l’œuvre du grand poète Dante Alighieri que l’assassin puise son inspiration. Inutile d’en dire davantage : le projet est ambitieux mais Arnaud Delalande est à la hauteur de son diabolique dessein. Construit en neuf chapitres, selon la typologie des péchés capitaux, Le piège de Dante est un roman au suspense croissant, diablement efficace, mais surtout d’une intelligence infernale.
Arnaud Delalande, Le piège de Dante, Grasset, 2006, 432 pages, 19,50 €