Le 6 août 2020
L’autrice franco-marocaine est de retour dans la collection “Blanche” de Gallimard, quatre années après avoir remporté le prix Goncourt en 2016 avec son roman Chanson douce . “La guerre, la guerre, la guerre”, premier volet de la trilogie que sera Le Pays des autres, porte sur la décolonisation marocaine.
- Auteur : Leïla Slimani
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 5 mars 2020
- Plus d'informations : Le site de Gallimard
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Résumé : Ce roman s’ouvre sur l’arrivée de Mathilde au Maroc après s’être mariée à Amine, ancien combattant pour l’armée française. Le couple s’installe dans un premier temps à Meknès, ville marquée par la ségrégation entre les colons et les “indigènes”, pour ensuite s’établir dans l’ancienne ferme du père d’Amine et tenter d’en cultiver les terres. Leïla Slimani nous montre le Maroc des années 1950 à travers le récit de la vie de sa famille : à la fois intime et historique, ce roman s’articule à la fois autour de la difficulté de s’intégrer dans un pays qui n’est pas le sien et de celle de vivre sur un territoire colonisé lorsqu’on en est originaire, sous la forme d’une fresque familiale qui se construira en trois volumes.
Critique : Le thème de la décolonisation marocaine reste très peu abordé dans la littérature française, l’histoire algérienne ayant accaparé une grande partie de la production artistique, ce qui rend ce roman d’autant plus essentiel.
De manière intelligente, Leïla Slimani amène la problématique de la colonisation avec cette notion de “pays des autres” : elle concerne d’une part le sentiment de déclassement qui habite les Marocains face aux colons français, d’autre part la difficulté ressentie par les étrangers de s’intégrer dans ce pays, animé par un besoin d’indépendance. A travers ses personnages, l’autrice dresse le portrait de tout un peuple marqué par la ségrégation. La ville de Meknès, dans laquelle l’écrivaine a choisi de situer le récit, est symboliquement importante pour comprendre cette période charnière dans l’histoire du Maroc, car elle était la ville coloniale par excellence, divisée entre deux mondes.
Mais le “pays des autres”, c’est aussi ce pays des hommes dans lequel les femmes marocaines n’avaient pas leur place en tant que citoyennes à part entière. Mathilde se retrouve rapidement confrontée aux traditions rigoristes en vigueur, qu’elle aura beaucoup de mal à accepter. Quant à Selma, la soeur d’Amine, elle symbolise le désir d’émancipation qui habitait les Marocaines des années 50 : celle-ci n’aura de cesse de transgresser les règles établies et d’en subir les conséquences. A cette époque, un vent de contestation féministe se lève dans ce pays du Maghreb, qui connaîtra de profonds bouleversements sur un temps très court, non sans protestations violentes de la part du conservatisme ambiant.
L’incompréhension qui règne à l’époque entre les cultures européennes et maghrébines se manifeste à l’intérieur même du couple formé par Amine et Mathilde : leurs façons de vivre et d’appréhender le monde sont en constante opposition. Leur relation est mise à mal non seulement par leurs différences culturelles, mais aussi par la difficulté de former un couple mixte durant l’après-guerre, ce qui était source de marginalisation et de rejet. Tous deux symbolisent le métissage difficile entre deux pays radicalement différents, comme le “citrange” qui sera l’allégorie de ce mélange infructueux.
Une fois encore, Leïla Slimani nous livre un magnifique roman. Tous ses personnages sont évoqués en profondeur, s’avèrent attachants et suscitent l’intérêt chapitre après chapitre. La critique qui est faite du protectorat et du patriarcat est très instructive, doucement amenée par les différents portraits des protagonistes. L’autrice confirme donc sa place de choix dans la littérature française, ainsi que dans la communauté des écrivains engagés pour la cause féministe. La fresque familiale est ici enclenchée par un premier tome très prometteur.
– Entretien réalisé avec Leïla Slimani à l’occasion de la parution du Pays des autres
– "Leïla Slimani : L’amour et la guerre", extrait de l’émission La Grande Librairie
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