Le 28 juillet 2023
Le nouveau jouet, en faisant preuve de sensibilité et en respectant la noblesse de son genre comique, se situe au-dessus du tout-venant.
- Réalisateur : James Huth
- Acteurs : Daniel Auteuil, Jamel Debbouze, Gilles Cohen, Alice Belaïdi, Simon Faliu, Anna Cervinka, Salim Kissari Aton
- Genre : Comédie, Remake
- Nationalité : Français
- Distributeur : Sony Pictures
- Editeur vidéo : Sony Pictures Home Entertainment
- Durée : 1h51mn
- Date télé : 28 juillet 2023 22:44
- Chaîne : Canal+
- Date de sortie : 19 octobre 2022
- Plus d'informations : Le site du distributeur
L'a vu
Veut le voir
– Sortie VOD : 16 février 2023
– Sortie DVD/Blu-ray : 22 février 2023
Résumé : Sami vient d’emménager avec sa femme Alice. Ils attendent un enfant avec impatience. Cependant, les factures sont sans cesse repoussées, et Sami se demande s’il peut bien trouver un boulot magique, qui résoudrait tous ses problèmes. Un jour, le fils de l’homme le plus riche de France souhaite que Sami lui tienne compagnie, et devienne son jouet. Serait-ce une aubaine ?
Critique : À première vue, l’idée de refaire la fameuse comédie de Francis Veber, portée par l’immense Pierre Richard en 1976, a tout du projet à problèmes. Pour ce Nouveau jouet, la question du pourquoi inquiète autant que celle du comment.
Celle du pourquoi, car il est impossible d’entrer dans le cœur du public comme Pierre Richard le fit dans ses comédies, et de même Veber en les dirigeant. Aussi car à la nouvelle vision, la première version de ce dernier, en 1976, paraît sacrément actuelle et plutôt réussie. Actuelle en cela qu’elle traite de la domination d’un milliardaire sur la presse, sujet qui n’est étranger à personne de nos jours. Réussi car Pierre Richard se démène avec passion pour nous attendrir, la musique de Vladimir Cosma est magnifique, et le film laisse habilement le tempo comique de sa tête d’affiche opérer sa magie.
Celle du comment, car James Huth, s’il porte avec lui un univers identifiable, ce qui n’est pas le cas de tous les auteurs de comédie française populaire, traîne aussi quelques échecs. Si les deux Brice de Nice ont le mérite de la singularité, qu’on accepte d’oublier Lucky Luke (2009) et bien qu’on accorde du crédit à Un bonheur n’arrive jamais seul (2012), le dernier en date, Bienvenue chez les Malawas (2019), relève du raté sévère.
Pourtant, Huth est la preuve qu’il faut bien se garder des jugements hâtifs. En effet, il a toujours infiniment respecté le genre de la comédie. Quoi qu’on pense de ses précédents travaux, et en excluant les Malawas qui ombrent terriblement le tableau, il a toujours su cultiver une forme d’originalité. Dans son Nouveau jouet, c’est en n’allant jamais au plus simple qu’il nous convainc de le suivre jusqu’au bout. Rarement la mise en scène s’engouffre dans la brèche du prémâché, du tout cuit, du trop facile. De nombreux plans sont joliment travaillés et racontent par l’image ce que d’autres n’auraient pas daigné effleurer. La mise en scène, sans extravagance, mise sur la sobre efficacité. Avec une photo soignée, le film produit une belle image de cinéma, et propose un cadre parfaitement respectable pour déployer sa comédie.
C’est là qu’intervient la volonté de Huth de contrecarrer les attentes, et de nous servir une version du Jouet différente de la première à bien des égards. Il y assume une importante dimension mélodramatique. L’ouverture du film, dans la manière plus encore que le contenu, donne le la. Personne n’aurait juré que ce fût la première scène d’une comédie populaire taillée pour deux stars. Il développe ensuite un propos politique pas plus subtil, mais plus frontal que son prédécesseur. Cela aurait pu se transformer en prise de risque mal avisée, mais la sincérité des personnages et quelques bonnes idées de scénario lui permettent d’éviter le pire.
Ces bonnes idées vivent à travers la volonté de faire de l’enfant le pont entre deux classes sociales qui ne se parlent pas ni ne se comprennent, pour mieux s’opposer. Le film démontre avec assez de finesse comme la frontière entre l’émancipation et l’asservissement de l’individu est affaire de point de vue, et de porte-monnaie. Tiraillé entre la nécessité de cet emploi si particulier et la préservation de son honneur, Sami franchit le Rubicon et devient moins qu’un humain. Le système, le film le montre, est ainsi fait qu’il n’est jamais qu’une marionnette interchangeable. Il y a une forme d’inéluctabilité dans son comportement, animé par le besoin, qui terrifie sur le pouvoir sans borne du système capitaliste. Jusque dans l’intime, dans l’humanité, il n’est rien qui ne puisse se vendre chez quelqu’un.
En évitant la caricature trop évidente, ce qui eût été aisé, le discours du film devient audible. Il aborde ouvertement les rapports de domination entre classes sociales. Pour décrire une fatalité : on ne refuse rien à l’homme le plus riche de France. Non parce qu’on le voudrait, mais parce que les rapports de forces sont ainsi organisés qu’on ne le peut pas. En cela, le discours final d’Alice, campée par Alice Belaïdi, se transforme en point d’orgue du film. La perversion du système ressort autant dans les pleurs de joie que ceux de peine, lorsqu’elles ne sont conditionnées qu’au bon vouloir d’un homme.
L’identité douce-amère du film, surprenante, combinée à l’audace du discours porté, certes plus attendu, n’empêche pas le film de s’adonner pour la première fois, dans sa conclusion, à la naïveté. Aussi jouissif que dommageable, le happy end satisfait à moitié. S’il avait été plus tranchant, plus subtil, ce Nouveau jouet aurait joué dans la cour des grands. Pour l’heure, il tient tête, voire dépasse son prédécesseur, ce sur quoi bien peu auraient misé.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.