Le 22 juillet 2020
Pour faire un voyage à l’étranger, on acquiert souvent un guide, afin de ne pas manquer ce qu’il y a de plus beau à voir dans les quelques jours que dure le séjour. Certains vont jusqu’à créer des carnets personnels où ils notent leurs impressions, et parfois les accompagnent de prises de vues des endroits qui les ont enchantés. Le musée comme expérience est un carnet de voyages érudit sous forme d’un échange épistolaire, entre deux hommes d’une même famille de sang et de goût. Le récit à deux voix de l’exploration, dans le monde entier, des musées-maisons.
- Auteurs : Dario Gamboni, Libero Gamboni
- Editeur : Hazan
- Genre : Art & Culture
- Nationalité : Suisse
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Résumé : À la mort de son père, Libero Gamboni se trouve confronté au devoir de mémoire. Faut-il conserver intacte la collection d’objets accumulés dans la maison familiale ? Les voyages qu’il entreprend, les musées qu’il visite sont l’occasion d’échanger une correspondance avec Dario Gamboni, son cousin. Alimentées par cette question pressante, les interrogations fusent entre l’architecte et l’historien de l’art. Les musées qui intéressent Dario & Libero sont d’une nature particulière : créés par des artistes et/ou des collectionneurs, ils permettent d’apprécier l’accrochage comme un mode d’expression, une forme d’art au carré : ainsi le musée Gustave Moreau à Paris ou la fondation Barnes à Philadelphie. Dans ces « musées d’auteur » – comme on parle de « films d’auteur » – priment l’expérience et l’intimité. Reprise par Dario Gamboni et enrichie d’un appareil de notes, la correspondance entre Dario & Libero constitue une histoire exceptionnelle des musées d’artistes et de collectionneurs. Le Musée comme expérience décrit et analyse pour la première fois le phénomène comme un tout, de ses débuts vers 1800 jusqu’à l’époque actuelle, qui en représente un nouvel âge d’or après celui des années 1900. Ce livre examine en profondeur quinze cas répartis autour du globe, choisis pour leur caractère représentatif et la qualité de leur disposition, auxquels le jeu des comparaisons ajoute plus d’une centaine d’autres musées. En tissant des liens entre passé et présent, ce dialogue itinérant nourrit la réflexion sur l’avenir de nos musées et les modes de conservation, à l’heure où les grandes institutions publiques multiplient succursales et événements médiatiques. Écrit comme un récit de voyage, il restitue le plaisir de la découverte et la saveur de l’expérience dans ces lieux dépositaires de notre histoire.
Critique : Commençons par ce qui ternit la lecture de ce livre. Le titre donné à cet ouvrage est tout simplement aussi rebutant que sa couverture. Deux erreurs qui mettent à mal l’envie qu’on peut avoir de le feuilleter. On s’interroge sur ce qu’il dit, sans pour autant qu’un attrait mystérieux nous invite à sa découverte. Aussi impersonnels qu’abstraits, ces choix fâcheux portent préjudice à l’ouvrage, qui n’est absolument pas un essai sur la manière d’expérimenter un musée, comme son nom le laisse croire, ni un guide de vieux routards livrant via une appli de smartphone, de bonnes adresses étoilées à l’attention d’apprentis voyageurs culturels, comme le laisse croire la couverture. Ca n’est pas non plus ce que laisse entendre l’argument, au sujet du questionnement patrimonial d’un homme, qui hérite d’une collection dont il ne sait quoi faire. Si tout le monde hérite de quelque chose un jour à la mort d’un parent, rares sont ceux qui doivent se poser la question de la conservation d’objets d’art, et qui seraient intéressés de trouver là un manuel moral et esthétique ou un guide des petits musées.
De quoi s’agit-il en réalité ?
Il s’agit d’un carnet de réflexions et de savoirs au sujet de la visite des musées à échelle humaine. Il s’agit de la compilation des lettres de deux esthètes appartenant à la même famille de sang et de goût, au sujet de toutes ces maisons-musées qu’on finit par trouver à travers le monde quand on les cherche. Il s’agit d’une alternative délicate et érudite à la consommation de masse des grandes surfaces culturelles, aux perches à selfies devant la Joconde. Ces lieux discrets n’appartiennent à aucune tête de classement de popularité et ne font état d’aucun record de fréquentation. Les visiter est une aventure intime. Prenons par exemple, comme le livre le fait, le musée Gustave Moreau qui est situé à Paris. On entre chez l’artiste, dans ses appartements, on circule en laissant passer ceux qui sortent, deux ne passent pas de face dans le couloir qui mène à la la cuisine. On imagine le peintre à son bureau, on frôle le lit où il dormait, on apprécie sa décoration soignée et la centaine de tableaux ornant les murs, on découvre enfin ses œuvres accrochées aux murs de son vaste atelier. Le lieu est dans l’état où il l’avait conçu : malgré le temps, il a été peu remanié par les héritiers, les dépositaires, les conservateurs amateurs, puis les professionnels qui en ont respecté l’esprit. Moreau n’est plus là, mais la sensation de proximité avec lui diffère totalement des espaces de présentation institutionnels qu’on qualifie de white box, et dont le mérite est de n’avoir aucune personnalité.
Les Gamboni construisent une alternative à ce qu’on appelle vulgairement l’offre culturelle, en proposant une expérience des petits producteurs, des petits lieux muséaux de caractère, aux États-Unis, au Japon, en France. Imperturbables, les deux hommes s’écrivent, nous écrivent pour parfaire nos connaissances.
Ce qui n’était, au départ, qu’un échange de courriers en une circonstance douloureuse (la perte d’un proche), devient rapidement un livre à quatre mains qui entend faire date dans le milieu des muséographes et des amateurs éclairés, fort de ses six cents pages cumulées. Le style littéraire des auteurs est homogène, on pourrait penser qu’il n’y a qu’une seule plume derrière ces échanges, mais leur entente est si complémentaire qu’il n’est pas possible d’en douter. L’écriture est, tout le long, posée et fluide. Les mots comptent plus que les rares images qui illustrent de temps à autre les chapitres. Là aussi, le livre renverse l’attente d’une iconographie exhaustive, débordante d’images, comme celles que cumulent sans mesure nos téléphones portables.
On regrette enfin que les lettres aient été édulcorées avant publication de questionnements plus personnels, ce qui est quelque peu contradictoire avec le goût du livre : montrer en quoi le personnel, le contextuel, construisent le dialogue universel de l’art.
Ce travail sera véritablement passionnant pour les muséographes, les scénographes, les architectes, quelques artistes ou collectionneurs ayant pour projet de transmettre une œuvre, les amateurs éclairés souhaitant sortir des circuits touristiques et enfin les riches héritiers d’objets d’art.
A lire, et à aller voir à travers le monde.
Collection : Bibliothèque Hazan
Date de parution : 09/09/2020
Format : 142 x 210 mm
672 pages
Prix : 29,90 €
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