Le 8 novembre 2019
Un très bon documentaire sur un groupe créatif, engagé et farouchement attaché à sa liberté. Radiohead n’a jamais fait dans le comique troupier, mais demeure une référence majeure du rock.
- Réalisateur : Benjamin Clavel
- Date télé : 8 novembre 2019 22:45
- Chaîne : ARTE
- Groupe : Radiohead
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Résumé : Avec plus de 30 millions d’albums écoulés en trente ans, Radiohead fait figure de mastodonte dans l’industrie musicale. Pourtant, le groupe britannique évolue dans une dimension singulière, à la fois indissociable de son époque depuis les années 1990 et mû par une certaine discrétion, que viennent en général troubler la sortie de leurs disques, toujours événementielle, et certaines de leurs positions réfractaires aux pratiques des maisons de disques.
Notre avis : On a friday fut le premier nom de Radiohead, qui présente une sorte de particularité, puisqu’on tient ici un groupe de rock tout aussi populaire (trente millions d’albums vendus depuis leurs débuts) que mystérieux. L’initiale circonspection des intervenants témoigne du caractère inclassable de cette formation, avare de ses apparitions, soucieuse de sa liberté (quitte à vendre ses morceaux par Internet, en paiement libre, pour se libérer de l’emprise des maisons de disques). Musicologues, biographes, philosophes, écrivains commentent avec rigueur l’itinéraire de ces sorciers du son, qui ont repoussé les limites de la pop, jusqu’à incarner un paradoxe sur lequel le documentaire revient de manière passionnante, le groupe revendiquant sa technophobie à partir de sons et d’expérimentations électroniques.
Du premier succès-malentendu Creep, extrait de l’album Pablo Honey (1993) aux chansons récentes, le film évoque les grandes étapes de la carrière de Radiohead, contextualisant la production du quintette dans l’environnement social et politique de l’Angleterre des années 90. Les angoisses propres à une époque anxiogène infusant dans la musique de cette formation, on ne qualifiera pas cette trajectoire artistique de joyeuse symphonie pour la gaieté sur Terre. Mais on ne niera pas que d’album en album Yorke et ses amis ont toujours cherché à se renouveler, outre que les paroles du leader-chanteur, entre Orwell et Chomsky, abordent les déclinaisons variées de l’aliénation contemporaine, synthétisées par le célèbre No logo de Naomi Klein. A distance des réseaux sociaux et des soutiens publicitaires, Radiohead n’est pas non plus un groupe prosélyte du militantisme politique. Ce qui ne les empêche pas de penser clairement contre le néo-libéralisme, de s’en prendre à Bush fils (à travers le lettriste Hail to the Thief), de vitupérer la fabrique du consentement.
Certains passages font toujours plaisir à revoir, ainsi la célèbre l’intro live de Like Spinning Plates, où Yorke s’en prend ironiquement à tous les belliqueux thuriféraires de la guerre en Irak, qui sacrifient des milliers de vies pour leurs intérêts personnels. La dernière partie du documentaire aborde les influences du groupe, notamment électroniques, avec de belles analyses produites par Steve Reich.
Bref, c’est du bon docu Arte, réfléchi, inspirant, qui articule d’intéressantes analyses musicologiques à de plus vastes considérations sur la société de consommation et quelques dangers dystopiques qui ont la gueule de Donald Trump.
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