Le livre de Jérémie

Asia Argento réalisatrice d’un film chaud et trash. Attention les yeux.

L’argument : L’histoire d’une enfance déchirée, vue par les yeux d’un petit garçon, Jérémie, et de sa mère, Sarah, jeune femme impulsive, insatiable et profondément perdue qui se prostitue pour des routiers sur des aires d’autoroute dans le Sud des Etats-Unis.

Notre avis : Après Scarlet Diva, premier long métrage, auto-fiction branque en forme de trip qui a ses aficionados, Asia Argento, fille du grand Dario, revient plus excitée que jamais avec Le livre de Jérémie, adaptation d’un roman trash de JT Leroy, chronique convulsive qui ne manque pas de caractère ni de piment. Le récit de cette fiction provocatrice au rythme discontinu profite de la forme du road-movie pour délivrer une succession de saynètes souvent hasardeuses. A travers un canevas approximatif, la réalisatrice tord le cou aux conventions et aux institutions avec de la drogue, des tabous, de la trivialité et de l’anticléricalisme. C’est un cocktail adéquat qui a tout du précipité culte. Mais il importe de voir ce que le film offre sous sa surface stylisée et branchée : une histoire invraisemblablement barrée, presque émouvante ; un conte maléfique sur un enfant torturé prêt à tout pour conquérir un minimum d’affection (le monde de l’enfance est impeccablement retranscrit) et surtout le portrait d’une Amérique tantôt phagocytée tantôt malade avec d’un côté ses puritains tyranniques et de l’autre ses camionneurs rustauds.
A ce titre, le passage chez les grands-parents rigoristes (Ornella Muti et Peter Fonda, très inquiétants) est certainement la meilleure partie du film. Aux hasards des corridors, Jérémie, le jeune protagoniste, croise John Robinson (l’ange blond de Elephant). Au gré des rencontres, on reconnaît de nombreuses personnalités qui sont venues soutenir le film et entretenir sa réputation sulfureuse (Michael Pitt, Lydia Lunch, Winona Ryder...). Parmi eux, Marylin Manson, dépouillé et méconnaissable, s’illustre dans un second rôle difficile et fait montre de qualités d’acteur insoupçonnées. Il plane certes une certaine autosatisfaction mais l’ensemble a le mérite de bousculer les idées reçues et d’emmener le spectateur là où il s’y attend le moins. La splendide photo d’Eric Alan Edwards, le chef-opérateur du Kids de Larry Clark, ajoute une aura supplémentaire à ce petit film bien barge : foisonnant et ultra-personnel, provocateur et singulier. Sincère et brut.