Quatuor amoureux
Le 15 avril 2022
Plus prolifique que jamais, Hong Sang-soo explore le vaudeville à l’aune du quatuor amoureux. Portrait en noir et blanc aride mais perçant aussi bien qu’attachant, de l’éternelle lâcheté de l’homme.


- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Kim Min-hee , Kwon Hae-hyo
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Les Bookmakers
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 15 avril 2022 21:10
- Chaîne : France 3
- Titre original : Geu-hu
- Date de sortie : 7 juin 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017

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Résumé : Bongwan, directeur d’une maison d’édition, a trompé sa femme avec son employée. Au cours d’une journée, la lâcheté de Bongwan va provoquer les humiliations successives de chacune des femmes qui l’entourent.
Critique : L’on a peut-être déjà vu ou lu cette histoire d’homme marié amoureux d’une autre femme, mais incapable de l’assumer, un millier de fois. Bien conscient d’emprunter un chemin balisé, HSS sait pourtant très bien où va son récit. Plutôt qu’une banale ligne droite, celui-ci tantôt s’engouffre dans des méandres ténébreux de l’âme humaine, ou retourne sur ses pas pour mieux donner la mesure de ce réseau de sentiments enchevêtrés et inextricables. Territoire rohmérien anguleux et impénétrable. Lorsque son épouse lui demande s’il voit quelqu’un d’autre, Kim Bongwan, éditeur la tête cachée dans son bol de nouilles, répond que non avec la tête mais oui du plus profond de son cœur. La femme, évidemment, n’y croit guère. Et c’est le début d’un jeu de faux-fuyants auquel le noir et blanc numérique presque sans relief confère une dimension d’éternité. Comme à son habitude, le cinéaste coréen multiplie les plans fixes en champ-contrechamp avec rigueur. Même si comme toujours quelques légers dérèglements opérés par des zooms inattendus surviennent de temps à autre. Avec un dispositif N&B aussi resserré - quatre personnages, une table, une triangulation amoureuse... -, difficile de ne pas songer à La Maman et la Putain, de Jean Eustache.
Déjouant le temps et la narration, ces jeux de l’amour et du hasard de HSS rivalisent d’intelligence, de sensibilité et de sens du tragique. Le réalisateur ne se fait pas plus tendre avec lui-même qu’il ne le fait avec ses personnages : cet antihéros faible et lâche qu’il ne cesse de pousser film après film en boulimique n’est autre qu’un miroir qu’il tourne vers son propre visage. Bien que la subtilité et la sécheresse du dispositif ne soient pas forcément propices à séduire les foules, Le Jour d’après possède à l’évidence l’étoffe des grands films interrogeant avec humilité notre perception du réel.
– Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017