Le 16 juin 2016
Jaco van Dormael signe un film très inégal à la morale pataude, gros succès pourtant en son temps.
- Réalisateur : Jaco van Dormael
- Acteurs : Daniel Auteuil, Miou-Miou, Henri Garcin, Isabelle Sadoyan, Hélène Roussel, Pascal Duquenne
- Genre : Comédie dramatique, Road movie, Buddy movie
- Nationalité : Britannique, Français, Belge
- Distributeur : PolyGram Film Distribution
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 16 mai 1996
- Festival : Festival de Cannes 1996
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Résumé : Harry est un homme seul qui se voue sept jours sur sept à son travail. Tout va basculer quand il va rencontrer Georges, une personne handicapée mentale, qui vit dans l’instant. Ces deux êtres que tout oppose vont devenir inséparables.
Critique : Toto le héros avait réjoui en 1991 par sa fraîcheur, illuminée de fleurs dansant sur Charles Trenet ; quatre ans plus tard, Jaco Van Dormael revenait avec ce Huitième jour, gros succès public et prix d’interprétation masculine partagé à Cannes. Pourtant, comme le souligne un bonus, la réaction de la presse a parfois été violente et sans doute excessive. À le regarder de nouveau vingt ans après, il nous semble que le film ne mérite ne cet excès d’honneur ni cette indignité.
Éliminons d’abord le point de vue moral : on ne voit pas au nom de quoi le cinéaste n’aurait pas le droit de faire son film, d’utiliser un trisomique pour une fiction ; cette polémique d’époque paraît bien absurde aujourd’hui et sans doute même le long-métrage a-t-il modestement contribué à changer le regard sur cette « différence ». Ce n’est pas à notre sens là que résident les problèmes du film. Ils sont davantage dans les excès (trop de musique, de larmes, de dialogues explicites jusqu’à la balourdise) ou dans sa longueur. De même certaines idées « poétiques » sont-elles à la limite du ridicule, le kitsch volontaire n’étant pas toujours maîtrisé.
Reste que dans ce road movie qui oppose traditionnellement deux êtres que tout sépare, et malgré des conventions stéréotypées (le personnage de Daniel Auteuil est un cliché à lui seul), Jaco Van Dormael parvient à saisir des moments fugitifs, un rire, un geste, un regard qui donnent corps à des personnages assez falots. Certaines trouvailles réjouissent également : les photos de mariage qui deviennent affiche publicitaire, les réveils ritualisés symbolisés par la radio et le grille-pain ; mais ces séquences se raréfient au fur et à mesure que le film se recentre sur les deux héros et leur psychologie, qui n’est hélas pas le point fort du réalisateur. Si le scénario joue alors la carte de l’inversion par des parallélismes systématiques (la coccinelle, les crises), il échoue dans les moments forts et émotionnels, faute d’un minimum de rigueur et de légèreté, jusqu’à la fin insupportable. C’est au contraire dans les moments creux que la simplicité parvient à nous toucher : un travelling descendant sur les deux allongés dans l’herbe, une chute qui déclenche l’hilarité (réminiscence de Ninotchka ?), la fuite devant les trisomiques, un chiffre dans la main, une danse devant des écrans : bref tout ce qui ne vise pas le larmoyant. C’est dans le concret beaucoup plus que la fantaisie pataude que se crée une connivence entre le spectateur et le film.
L’ambition du métrage, présente dès le début, s’avère vite une fausse piste et la réflexion sur le sens de la vie tourne court (l’argent ne suffit pas, la solitude c’est désolant, seul l’humain importe). En revanche, Van Dormael trouve la bonne distance, le regard juste pour filmer les trisomiques (voire l’hilarante scène de la concession). Mais à forcer une morale insistante, il perd sa fraîcheur et son goût du détail efficace pour livrer un film profondément inégal, ni assez sobre ni assez délirant.
Les test Blu-ray
Les suppléments :
Retour sur le huitième jour est une série d’entretiens (réalisateur, acteurs, producteur) qui raconte la genèse, les conditions particulières du tournage et les intentions du film ; s’il n’évite pas toujours les banalités d’usage et les analyses basiques, on récoltera quelques informations et anecdotes intéressantes, notamment sur la réception critique et la participation à Cannes (32 minutes).
Dans Les zozos dix ans après (2005), les acteurs trisomiques parlent à leur manière de leurs performances entre des extraits explicitant les souvenirs ; curieux bonus, non dénué d’intérêt : le jeu des questions / réponses y suit forcément des parcours étonnants, loin des conventions (20 minutes).
Outre la bande-annonce, le Blu-ray propose encore un court-métrage de 1982, L’imitateur. L’imitateur en question, c’est un trisomique, Jacques, que la caméra attentive de Jaco Van Dormael suit, entre fiction et documentaire, lors d’une escapade qui apparaît comme un brouillon du long-métrage. C’est foutraque, loin de la « poésie contrôlée » du Huitième jour, mais infiniment sympathique et parfois drôle, notamment par les commentaires décalés de son compagnon de virée (29 minutes).
Ajoutons qu’une introduction de Pascal Duquenne, courte et dispensable, est en option.
L’image :
Malgré quelques rares et légers fourmillements, la copie est remarquable de précision ; les couleurs, les contrastes, tout est neuf et frais.
Le son :
La piste DTS-HD 5.1 offre un son net et limpide agréablement spatialisé.
– Sortie Blu-ray : le 21 juin 2016
Galerie Photos
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