Le harpon rouge - la critique du film

Notre avis : S’appuyant sur une histoire assez classique, Howard Hawks nous décrit la vie difficile des pêcheurs de thon. Plusieurs scènes ont d’ailleurs une précision documentaire : on mentionnera la pêche à la canne, en évitant de tomber à l’eau et risquer d’être happé par un requin ou encore d’être victime d’un hameçon mal lancé. On citera encore l’arrivée au port, avec le tapis roulant qui emmène les thons jusqu’à la conserverie, où des ouvriers les découpent immédiatement.
L’autre atout du film réside dans la qualité de l’interprétation. Si celles de Richard Arden et Zita Johann gardent encore quelques tics hérités du muet, le jeu d’Edward G. Robinson est réellement exceptionnel. Il campe un marin bourru, manchot, malchanceux avec les femmes, vantard, mais généreux et soucieux de ses hommes. Le crochet qui remplace son bras est l’objet de quelques scènes cocasses : il lui permet de gratter le dos de son second brûlé lors du naufrage ; briqué pour son mariage, il servira aussi pour y enfiler son alliance.
Tous ces éléments participent au style très personnel de Howard Hawks qui privilégie une histoire solide, préférant l’action à la réflexion, une amitié virile contrecarrée par une femme (c’est le résumé ironique que donnait le Français Jacques Rivette du style Hawks, en grand amateur du cinéaste), des individus secondaires peaufinés qui injectent une bonne dose d’humour. Ainsi, le personnage de Fishbone (Vincent Barnett) en est un bel exemple, marin maladroit avec un tête d’ahuri. S’il rate tout ce qu’il entreprend, il est en même temps tout fier de montrer les photos de sa petite amie, à qui il a donné un surnom que Mike Mascarenhas ne retiendra jamais.
Réalisé tout de suite après La foule hurle (The crowd roars) et Scarface la même année (1932, quelle productivité !), Le harpon rouge participa à hisser Howard Hawks parmi les plus grands cinéastes d’Hollywood, qui s’essaiera à tous les styles : aventure comme ici, policier, romance, guerre, comédie, western... et ce jusqu’au début des années 70.