Le 18 juillet 2008
Le nouveau film des frères Dardenne raconte avec pudeur la rencontre d’un homme et de l’assassin de son fils. Une histoire poignante comme une tragédie grecque.
- Réalisateur : Jean-Pierre & Luc Dardenne
- Acteurs : Olivier Gourmet, Morgan Marinne, Isabella Soupart
- Genre : Drame, Drame social
- Nationalité : Belge
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Editeur vidéo : Gaumont/Columbia/Tristar Home Video
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 23 octobre 2002
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Résumé : Olivier est formateur en menuiserie dans un centre de réinsertion sociale. Un jour, la directrice lui demande d’accueillir Francis, un adolescent désireux d’apprendre les métiers du bois. Olivier refuse, prétextant qu’il a déjà trop d’apprentis. Le jeune garçon est alors placé dans l’atelier de soudure. Qui est Francis ? Pourquoi Olivier se met-il à le suivre dans les couloirs de l’établissement, dans les rues de la ville, jusqu’à son immeuble ? Pourquoi est-il ainsi attiré par lui ? Et pourquoi semble-t-il le craindre à ce point ?
Critique : Récompensés à Cannes pour Rosetta, les frères Dardenne prouvent s’il en était besoin qu’il leur faudrait bien plus qu’une Palme d’or pour accepter le jeu des compromissions. Le Fils est un film austère, sans fioriture ni grande star en tête d’affiche et même sans aucune musique de fond. En même temps, c’est une œuvre d’une force exceptionnelle.
L’histoire tourne autour de deux personnages principaux et de deux acteurs exemplaires. Olivier (Olivier Gourmet) forme de jeunes élèves à la menuiserie dans un centre d’apprentissage. Il est amené à devenir l’instructeur de Francis (Morgan Marinne), un jeune délinquant qui sort tout juste de prison et qu’il sait être l’assassin de son fils.
Leur face-à-face commence d’abord par un jeu de cache-cache. Le spectateur ne voit jamais le visage de Francis durant toute la première partie du film. Comme Émilie Dequenne dans Rosetta, Olivier Gourmet emplit tous les plans. La caméra, plus nerveuse encore que celui qu’elle guette, le suit de si près qu’on ne distingue pratiquement jamais son corps dans son entier. Collée à sa nuque, à son bleu de travail, à son corset qui soulage son dos, à ses lunettes, elle s’attarde sur ce corps énigmatique comme pour traquer l’empreinte laissée par les blessures de toutes sortes.
Francis ne fait son apparition physique qu’au deuxième acte. Il ne sait pas qui est Olivier et ne voit en lui qu’un instructeur. Olivier, lui, l’épie. Leur duel ne se déroule qu’au travers des gestes quotidiens d’un menuisier. Les deux hommes mesurent, calculent les angles exacts, choisissent les bois, préparent les outils. Ils en arrivent même à chiffrer la distance qui les sépare : 4,11 mètres, pour être précis. Tel est le verdict de la règle du menuisier.
Dernier acte tout en non-dit, en regards qui se cherchent sans se comprendre : la révélation. Pourtant, il est déjà trop tard. Francis n’est plus un monstre mais un gamin comme les autres. Olivier ne pardonne pas vraiment, il ne peut qu’accepter le mal qui a déjà été accompli sans méchanceté, juste par bêtise et par un étrange et sinistre concours de circonstances. Il ne comprend pas lui-même ce qui le pousse vers Francis, comme il n’a jamais compris la mort de son fils.
Avec une intelligence rare, Jean-Pierre et Luc Dardenne construisent ce drame simple et poignant comme une tragédie grecque. Le Fils méprise avec panache les lieux communs et les justifications idéologiques qui encombrent la plupart des discours sur la criminalité juvénile et les possibilités de réinsertion. Le cadre modeste d’un atelier de menuiserie devient le lieu d’une réflexion presque philosophique qui se passe de mots. Le Fils n’est pas une plaidoirie sociale mais une histoire profondément humaine qui balance sans cesse ses personnages entre la fièvre des passions intenses et la banalité des gestes quotidiens. Un film inattendu et bouleversant.
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