Copyright La Croisée des Chemins

Notre avis : Le Fil rouge c’est un seul-en-scène interprété et mis en espace par Bunny Chriqui, qui retrace en partie un moment douloureux de la vie de la comédienne : la disparition de sa mère, trop tôt, trop jeune, emportée par la maladie.
C’est l’histoire d’un manque indicible que les 55 minutes de représentation parviendront pourtant à faire oublier, avec une grande finesse et une poésie palpable.
Le spectacle s’ouvre sur une voix off, alors que la salle est encore plongée dans le noir : c’est la voix de celle qui est toujours là, quelque part, omniprésente. Quand les projecteurs s’allument, le spectateur découvre un grand panneau blanc sur lequel sont dessinés des arbres en devenir, juste esquissés. La comédienne y portera sobrement et délicatement de simples hachures grises, tout au long du spectacle, comme pour apaiser peut-être ses pensées délétères ou au contraire pour ne pas se laisser envahir par une seule d’entre elles...
La mise en scène, par son économie de moyens, va à l’essentiel et colle à merveille au jeu de la comédienne, sobre, juste et extrêmement sensible : une simple chaise rouge, quelques photos de famille posées à même le sol au début, puis, plus tard, épinglées sur le panneau blanc comme un lien immuable. Il y a aussi un cube noir où est posée une lampe en forme de lapin. Un clin d’œil au prénom de la comédienne, dont on lui demande souvent s’il est bien réel !
Et puis, un petit carnet noir que Bunny lit régulièrement et qui ponctue la correspondance qu’elle a entretenue avec sa mère, lors de ces derniers instants de vie :
" Alors, soyons bavardes et parlons de choses et d’autres ".
" Tu me parles d’amour et je ne voulais pas que tu subisses, mais que tu réagisses ".
" Changer d’état mental, oui, et alors...!! "

Mais ce spectacle, ce n’est pas seulement l’évocation de ce moment douloureux, loin de là. C’est une myriade de souvenirs perlés, joyeux et tellement humains que l’enfant Bunny, devenue adulte, transpose sur scène avec délicatesse. C’est aussi en filigrane l’idée que bien souvent la maladie est comme un début de dénouement nécessaire entre l’enfant et la mère souffrante, un passage à autre chose de plus vital, de plus vrai, de plus évident.
La petitesse de cette salle de la Croisée des chemins, salle Vaugirard, renforce considérablement le propos tenu par la comédienne, par la proximité entre le plateau et les spectateurs.
Ce moment de grâce, il sera possible de le revoir rapidement au Théâtre des Italiens, lors du Festival d’Avignon, en juillet prochain.
Courez-y pour échapper à la foule ambiante et surtout pour vous recentrer et ne pas oublier celle qui fait que nous sommes là.
Juste l’aimer.