Le 21 septembre 2018
Légèrement apathique, ce policier s’assombrit et dévoile une réalité âpre et audacieuse à son époque.
- Réalisateur : Gordon Douglas
- Acteurs : Frank Sinatra, Jacqueline Bisset, Lee Remick, Robert Duvall, Ralph Meeker
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h54mn
- Box-office : 525 682 entrées France / 171 171 Paris Périphérie
- Titre original : The Detective
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 31 octobre 1968
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Le corps mutilé et sans vie, le fils du banquier Leikman est retrouvé dans son luxueux appartement. Chargé de mener l’enquête, le détective Joe Leland soupçonne et capture très vite un nommé Félix Tesla, jeune homosexuel désaxé qui était l’ami de Leikman Junior. Joe obtient la confession de Tesla qui est condamné à mort et passe à la chaise électrique. A la suite de cette enquête, Joe passe capitaine tandis qu’il rompt avec sa femme qui s’est révélée être une nymphomane peu après leur mariage...
Notre avis : Sous des allures assez pépères, ce film, l’un des plus célèbres de Gordon Douglas, témoigne d’un changement d’époque : on y parle d’homosexualité (et on la montre timidement) et de nymphomanie, de brutalité policière, de frustration. Même si la porte avait été entrouverte, même si le code Hays était caduc, aborder ces sujets en 1968 montrait un certain culot, qui d’ailleurs fut profitable au métrage et lui assura du succès. Pourtant, la vraie audace n’est peut-être pas là où on la croit, car dans cette sombre histoire de meurtre réalisée à quelques coquetteries près (une plongée verticale, une surimpression en split-screen) d’une manière très classique, ce qui frappe surtout, c’est la noirceur du personnage principal : il est présenté au début comme sans failles professionnelles ; son intuition ou son métier le mènent directement vers le coupable ; il paraît humain, probe, compréhensif. Et même si, dans des flash-back grossièrement amenés par un flou, la fêlure de sa vie personnelle révèlent l’échec de son mariage, il en sort plus humain et somme toute grandi. Le scénario en profite pour décrire un monde uniformément corrompu, dans lequel la police utilise les moyens des camps de concentration et les puissants se coalisent pour des opérations financières illégales.
- © 20th Century Fox. Tous droits réservés.
Toute l’enquête autour du meurtre initial est relativement terne : reposant sur des dialogues, elle se résout rapidement sans suspens excessif. Sans doute y a-t-il là à la fois une volonté de l’inscrire dans la routine d’un policier et de préparer le bouleversement final. Gordon Douglas, en vieux routier, gomme toutes les aspérités et propose une image lisse aux arrière-plans affadis, suggérant que tout est sur l’écran, transparent, ce qui évidemment est un faux-semblant dont la justification apparaît peu à peu. Et c’est dans cette seconde partie, la chute du héros, que se loge à notre sens le vrai culot du film. La corruption des élites, le monde décadent, on connaissait depuis longtemps, même en 1968. Si les choses sont dites plus franchement, il n’y a pas là de quoi crier à la provocation iconoclaste. En revanche, faire d’un héros aussi populaire que Sinatra (acteur par ailleurs assez limité), d’un modèle de flic intègre, un homme qui préfère taire ses doutes, fermer les yeux sur une arrestation et une condamnation douteuses que passer à côté d’une promotion, voilà qui a dû secouer le spectateur de l’époque et fait encore son effet. Échec personnel, échec professionnel, démission, le personnage exemplaire en prend un coup et sans doute peut-on y voir l’amorce d’une réflexion sur l’anti-héros qui va inonder les écrans de la décennie suivante. Enregistrant la fin du protagoniste pur et sans tâche, le scénario montre de manière symbolique ce retournement à l’intérieur même du film : dans une société aussi pourrie, nul ne peut rester probe malgré sa volonté et sa conviction de bien agir. Quoi qu’il fasse, il a perdu d’avance et le dernier plan qui le voit s’éloigner dans une nuit réelle et métaphorique ne laisse pas beaucoup d’espoir sur l’aboutissement de sa quête.
Le détective est sans doute trop long, plat par moments ; sa mise en scène, si elle utilise habilement l’écran large, ne brille pas par une forte personnalité. Néanmoins, outre la prestation réussie des acteurs secondaires, on peut lui reconnaître une certaine force dans la dénonciation d’une société en sale état et surtout dans la mise à mal du héros traditionnel. En ce sens, le film garde, cinquante ans après son tournage, une amertume salvatrice.
- © 20th Century Fox. Tous droits réservés.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.