Littérature francophone
Le 22 octobre 2002
Parmi les bonnes surprises de la rentrée figure le quatrième roman de Philippe Jaenada. Si Le cosmonaute fait toujours la part belle à l’humour, Jaenada ne s’est pas pour autant endormi sur ses lauriers et nous dévoile ici un aspect méconnu de son talent. Dans ce roman teinté de cynisme, l’auteur traite sur un ton acide des drames et des névroses domestiques.
- Auteur : Philippe Jaenada
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Pimprenelle est enceinte et Hector, le père de l’enfant, prend les choses au sérieux. C’est décidé, il accompagnera sa femme durant toute la période de grossesse. Le papa en herbe se documente, achète un ouvrage traitant de la maternité (sa "bible de la procréation"), suit Pimprenelle à la clinique à la moindre occasion. Il panique parfois, jalouse les médecins ayant le privilège de s’occuper de la jeune femme, s’attendrit en contemplant le ventre de la future maman, l’emmène à l’occasion se ressourcer à Veules-les-Roses. Décidément, Hector est pétri de bonnes intentions. Se préparer à la naissance d’un enfant constitue un travail à plein temps.
Puis Oscar vient au monde et, subitement, le quotidien du couple prend une toute autre tournure. La jeune mère se métamorphose en une obsédée du ménage. La moindre parcelle de poussière provoque immanquablement une crise d’hystérie, et si par malheur un objet est malencontreusement déplacé, une scène ne tarde pas à suivre. Ajoutez à cela une jalousie maladive et voilà Hector qui écoute, subit et encaisse. Après tout, il aime Pimprenelle et la vie de couple implique de faire quelques concessions...
Depuis la sortie du Chameau sauvage en 1997, Philippe Jaenada nous a habitué à un style un peu débraillé, à un humour décalé et à des digressions farfelues (les fameuses parenthèses (dans les parenthèses)). Le cosmonaute comblera les lecteurs déjà conquis par les romans précédents et surprendra agréablement ceux qui ne connaissent pas cet écrivain. On retrouve avec plaisir le même type de narrateur, légèrement désabusé, parfois dépassé par les événements, s’adonnant aux courses, virtuose de l’auto-dérision. La première moitié du roman est entièrement consacrée à la préparation de l’accouchement et l’on rit des angoisses d’Hector pour qui ce futur rôle de père n’a décidément rien d’évident. Jaenada demeure fidèle à ce style immédiatement identifiable qui lui a valu le prix de Flore en 1997.
Seulement voilà... Chacun sait que les bonnes choses ne sont pas destinées à durer. Le quotidien du jeune ménage prend rapidement des allures infernales. Derrière la délicieuse Pimprenelle se cache une jeune femme obsessionnelle, pour qui la vision d’une goutte d’eau non essuyée sur l’aluminium de l’évier débouche immanquablement sur une colère noire. On plaint sincèrement Hector, on compatit à sa douleur, on rit jaune parfois, mais l’on ne prendrait sa place pour rien au monde. Voilà donc le lecteur embarqué en plein dans le cauchemar de la vie à trois, lorsque l’un des rouages de la famille se grippe. L’écrivain se renouvelle de belle façon, ajoutant à sa palette la couleur tragique sans lasser un seul instant. Le cosmonaute se range parmi les romans dont on ressort, après la lecture, un peu mal à l’aise, un peu honteux d’avoir pu prendre autant de plaisir face au malheur des autres.
Philippe Jaenada, Le cosmonaute, Grasset, 2002, 354 pages, 17 €
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