Souterrains - La chronique BD

Henri est un mineur en colère, comme beaucoup dans ce Nord de la France de la fin du XIXème siècle puisque les conditions de travail sont harassantes, et il songe à fomenter une grève syndicaliste. Son beau-frère Lucien est plus placide, plus effacé, mais c’est pourtant lui qui va être entraîné dans une aventure où se mêlent le steampunk façon Mignola, la fantasy façon Tolkien et le romanesque façon Zola. Un cocktail inattendu, mais détonant comme un pack de dynamite : quelques détails peuvent parfois faire frémir le sourcil, quand on contemple les créatures abyssales ou le robot herculéen et très intelligent, mais l’ensemble est terriblement prenant, franchement excitant. Par conséquent, les détails deviennent une accroche pour les yeux du lecteur, quand il contemple par exemple les détails des monstres, sortes de nains géants croisés avec des salamandres, ou quand le robot sort de sa cache pour accomplir le travail de dix hommes devant les mineurs médusés. Planche après planche, chapitre après chapitre, car c’est une histoire complète et achevée, les mineurs font face à un destin économique et social avant de laisser place à la survie et l’héroïsme épiques, sans que l’œuvre en soit déstabilisée, bien au contraire. La couverture, et surtout l’apparition du prologue servent bien à dire que oui, Souterrains fait bien partie du domaine de la fiction, et s’il reprend le combat d’un Germinal, il a également vocation à dénoncer l’esclavagisme de toutes les époques, la nôtre y compris.

© Casterman

Pour cet album, Romain Baudy est parti en solo dans les tréfonds des terrils, mais n’a pas choisi le noir et le blanc souvent employés pour traiter du charbon, comme dans Gueule Noire ou La Révolte des Terres. Les couleurs ne sont pas vives mais adaptées, quelques lumières, jaunâtres ou verdâtres, des habitants des profondeurs qui ignorent le vif de tons de la surface, mais l’ensemble reste très vivant, rappelant quelques jeux vidéo qui se passent dans les souterrains et où la faune et la flore ont pris certaines libertés. Comme il y a aussi des moments à l’air libre, l’album se lit facilement, et le dessin y est pour beaucoup.

© Casterman

La première idée, intégrer un robot steampunk dans les mines, était déjà sur le papier tentante. En ajoutant un monde parallèle et une faune particulière, Romain Baudy propulse son œuvre dans la fantasy et le fantastique, dans les deux sens du terme. Une vraie bonne surprise de la rentrée.