Le 21 janvier 2020
Un documentaire original et alternatif qui tente, sur le mode de la dérision et de la poésie, de dénoncer le scandale de l’empoisonnement nucléaire à Hiroshima, Fukushima… et Saint-Laurent-des-Eaux.
- Réalisateurs : Judith Cahen - Masayasu Eguchi
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Japonais
- Distributeur : Babel Productions
- Durée : 1h19mn
- Date de sortie : 11 mars 2020
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Résumé : En ouverture, sur fond de cheminées de centrale nucléaire, cette apostrophe : " Est-ce que vous semez demain si le monde vient à sa fin ? " Question pressante suivie d’une remarque d’Eisenstein soulignant que le conflit est le principe même du montage. Voilà d’emblée posée la matrice du film : le monde, son avenir dans un espace nucléarisé, d’une part, le cinéma en tant que représentation avec le montage comme mode opératoire, d’autre part. Et Judith et Masa, devenus alter ego de fiction des deux cinéastes, flanqués parfois de leurs doubles, de nous embarquer dans une cascade de questions enchâssées. Elle la Française, lui le Japonais, couple et cinéastes, nous mènent dans un va-et-vient entre Paris, Fukushima et Hiroshima.
Notre avis : Tout autant expérience visuelle que plaidoyer politico-écologiste, Le cœur de conflit est né de la rencontre surréaliste de deux cinéastes, l’une française, Judith Cahen, et l’autre japonais, Masayasu Eguchi. Les deux se filment, se mettent en scène, se révèlent en un flot de paroles parfois très intimes : ils fabriquent un film qui raconte soixante ans de destruction d’un pays, le Japon, pulvérisé par Hiroshima et Fukushima. La crudité d’un père qui meurt, celui du réalisateur, côtoie l’épouvante d’une lame de fond qui s’abat sur les côtes japonaises et va provoquer l’un des plus graves scandales nucléaires de l’histoire du monde. Ces deux êtres s’apprivoisent, au milieu du dénuement le plus total laissé par le tsunami, ou derrière des images d’une très grande recherche esthétique, qui constituent une exposition de photographies. Ces deux êtres s’engagent dans une expérience visuelle, à défaut de brandir un micro et de crier à la planète entière un discours politique et révolté sur l’énergie nucléaire.
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Toutes les armes de l’artiste sont bonnes pour nourrir le projet politique et écologique. A commencer le rire. Les deux cinéastes expérimentent sur un ton parfaitement inédit, un récit filmique à la limite entre le documentaire, l’autofiction et le récit imaginaire. Ils se racontent en train de fabriquer le long métrage. Ils se racontent éprouver la terre qui meurt, sous des taux de radioactivité terribles. Ils disent le désir d’enfants, ou au contraire, le désir de ne jamais offrir à un enfant le monde tel qui est. Les dialogues semblent décalés, absolument désinvoltes. En fait, derrière la comédie, la tonalité burlesque, se cache la profondeur élégiaque de tout un monde, dévoré par la pollution des hommes. La mélancolie atteint son paroxysme quand la réalisatrice confie qu’à l’enfant réel, elle préfère l’enfant artistique ; à la famille réelle, elle préfère sa communauté d’artistes. Consciente sans doute d’une grande solitude et d’un empêchement radical de vivre.
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C’est un film fait de bric et de broc. C’est un film qui, à partir de moyens très faibles, s’arme d’un courage inouï pour dénoncer le chaos planétaire. Parfois, le long métrage cède à la tentation d’un excès de bavardages. Les réalisateurs perdent leur spectateur dans un imbroglio de dialogues, de pensées faussement métaphysiques. Mais l’ironie très vite reprend ses droits, comme dans cet échange improbable qui rassemble la réalisatrice et sa mère, cette dernière en qualité de psychanalyste étant invitée à trouver un lien entre les tours d’une usine nucléaire et la maternité. On ne peut s’empêcher de se demander si, en fait, ce prétendu documentaire n’est pas une mise en scène fantaisiste. On ne résiste pas à ce court entretien de Duras, qui, armée de sa force d’éloquence, compare l’amour maternel à une calamité, quand il ne s’agit pas de son double comique, affublée d’une perruque qui joue à l’écrivaine en faisant la vaisselle. Difficile encore de résister aux entretiens radiophoniques de la même Duras, qui décrit le cauchemar de l’accouchement, quand suit immédiatement une citation de Beckett.
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Allez, on n’aura pas tout compris, mais on aura bien ri. Le cœur du conflit se veut un film délibérément décalé, fantasque, et surtout d’un très grand souffle. Il n’y a vraiment pas de mal à dénoncer des événements graves avec un ton léger, résolument libéré des normes cinématographiques et du diktat des productions. Surtout quand il s’agit de l’avenir de l’humanité.
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