Miroir, joli miroir
Le 23 novembre 2005
Judith Cahen fouille l’autoportrait au-delà du reflet et fait de son image un regard. Ébranlant.
- Réalisateur : Judith Cahen
- Acteur : Judith Cahen
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h17mn
Judith Cahen fouille l’autoportrait au-delà du reflet et fait de son image un regard.
L’argument : ADN met en scène l’impact de la rencontre des autoportraits de David Nebreda sur le cinéma de Judith Cahen et sa propre démarche d’auto-représentation.
Notre avis : Si l’autoportrait est un miroir de soi-même, Judith Cahen en a poussé le concept jusqu’au paroxysme puisque cette image d’elle-même, elle va tenter de la trouver dans le reflet d’un autre. Cet autre, c’est David Nebreda, photographe espagnol rongé par la schizophrénie, qui tente désespérément de rester en vie en se photographiant. Des images bouleversantes, souvent insoutenables, d’une descente aux enfers qu’il transcende en chemin de croix, faisant de son image la figure christique qui justifie sa démarche. Des autoportraits qui mettent aussi en image la disparition du corps. Dans sa substance, d’abord, puisque ce qu’il en reste le porte à la limite de la survie, dans la perception qu’il a de lui, surtout, puisque ce corps torturé, couvert d’immondices, mutilé, infibulé, est lui même en voie de disparition. La démarche est celle de Bacon. Tenter de trouver une image de soi alors même que toute perception du corps a disparu. Chez Bacon, ce sont ces portraits aux contours flous, fuyants, insaisissables, ce sont ces corps qui se décomposent, c’est l’impossible représentation. Nebreda couvre son visage d’étoffes ou d’excréments, le détourne de l’objectif ou l’efface par le flou. Judith Cahen, elle, regarde. Elle pose l’œil de sa caméra sur le corps de cet homme en disparition, et cherche qui elle est dans ce rapport à l’image insoutenable, dans cette confrontation avec nos limites, nos impossibilités.
Il y a quelques années, Leo Scheer éditait un superbe album consacré au photographe espagnol. Des images crues, fascinantes, infiniment violentes. C’est le point de départ de Judith Cahen, son entrée dans le monde de David Nebreda. Le livre, elle va le prêter à des proches, le laisser quelques jours, et venir recueillir la parole. Les réactions sont diverses, toujours passionnées. La réalisatrice va peu à peu dessiner son propre rapport à l’autoportrait et les images mouvantes qui sont les siennes, au regard des bouleversements que suscitent les plans fixes de Nebreda. Au cœur du propos, le corps, bien sûr, le corps de David Nebreda. Peut-on aimer ce corps ? Comment le regarde-t-on ? Qu’a-t-on envie d’en faire ? Doit-on l’aider ? Certains naviguent à l’émotion, à la compassion pour cette image de la souffrance. D’autres s’ancrent dans une démarche artistique et autothérapeutique, qui n’est finalement rien d’autre que la définition de l’autoportrait. Judith Cahen promène sa caméra de gestes en regards, d’émotions en silences, et pose des questions, interroge avec constance une perception de l’autre qui ne parle que de nous, nous implique à chaque image, nous ébranle.
Le corps de Nebreda, c’est à la fois le corps du Christ et celui de la folie. C’est le corps de l’étranger qui fascine comme l’œil du serpent parce que chacun sait qu’il est tapi au fond de soi [1].
[1] ADN est distribué par Pointligneplan, une structure qui permet aux films d’auteurs de bénéficier d’une visibilité à plus long terme que dans d’autres circuits. Dans ce cadre, le film sera projeté pendant un mois, à raison d’une séance par jour, au cinéma L’entrepôt, 7-9 rue Francis de Pressensé, 75014 Paris
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