Le 1er février 2020
Le Brexit vécu par la famille Trotter. Le livre de Coe est une chronique satirique d’une nation tourmentée par le politiquement correct et le nationalisme, à travers des personnages qui cherchent qui ils sont et ce qu’ils doivent faire. Le tout avec humour dans un brillant roman sur notre époque.
- Durée : 548 pages
- Auteur : Jonathan Coe
- Editeur : Gallimard
- Genre : Humour, Roman, Chronique sociale
- Nationalité : Anglaise
- Traducteur : Josée Kamoun
- Titre original : Middle England
- Date de sortie : 22 août 2019
- Plus d'informations : Lire les premières pages
Résumé : Les années 2010 ont été contrastées au Royaume-Uni : des émeutes en 2011 au Brexit, en passant par les Jeux Olympiques, les Britanniques ont traversé des moments aussi forts qu’inattendus. Reprenant les personnages de « Bienvenue au Club » et du « Cercle fermé », Jonathan Coe fait le portrait d’une société affectée par les mouvements du monde.
Notre avis :
A une époque où l’immédiateté de l’actualité empêche souvent une distance critique, Jonathan Coe dépeint à travers la fiction, les années qui ont précédé l’événement marquant la fin de la décennie au Royaume-Uni : le Brexit. Le regard de l’écrivain sur son époque se manifeste grâce à ses personnages, qui cherchent tous à comprendre leur identité. Benjamin, Philippe ou Doug, incarnent des quinquagénaires qui ont du mal à comprendre la vitesse du monde actuel, Sophie et Ian, un jeune couple qui se questionne sur le politiquement correct ou Lois, la sœur de Benjamin, qui se contente de vivre son couple à distance. C’est avec eux que l’on traverse ces années folles où l’on a l’impression que le temps s’accélère. Un moment suspendu les concerne tous : celui de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques en 2012. S’agit-il du dernier événement de communion nationale ? Coe décrit, de manière quasi cinématographique, ce que fait chaque personnage à ce moment-là, ce qu’il en retient. De cette manière, le lecteur traverse la décennie en Grande-Bretagne, en imaginant concrètement les répercussions des instants marquants dans la vie de chacun, en fonction de la place qu’il occupe.
Si l’auteur a clairement affirmé être un européen convaincu, il donne cependant quelques clés de lecture pour comprendre le « Leave » plutôt que le « Remain » qui ne sort pas de nulle part. Son écriture est fluide et le lecteur n’est jamais perdu dans la vie de ces personnages, qu’il voit évoluer au fur et à mesure que l’on tourne les pages.
L’éventail des générations donne du relief au récit : si certains se complaisent dans la nostalgie, d’autres souhaitent au contraire fermer définitivement la porte au passé. Benjamin Trotter va enfin publier son roman, après avoir écrit des milliers de page dont beaucoup sont inutiles et chaque personnage va ainsi prendre des décisions qui vont les faire avancer. Les protagonistes se heurtent souvent à l’incompréhension de la société, résultant des inégalités de classe, de la peur du déclassement ou du jugement des autres. En cela, Jonathan Coe donne au lecteur la hauteur nécessaire pour éviter de s’enfermer dans une vision trop personnelle. Lorsque Ian ne reçoit pas la promotion qu’il pense mériter, c’est selon lui en raison de la discrimination positive dont bénéficie sa collègue. Lorsque Doug fréquente une femme politique conservatrice, sa fille lui tourne le dos, par idéalisme. Le tout sans drame, les choses arrivent simplement. Cette satire de la société britannique se dévore à chaque scène, liant le ridicule des personnages à une tendresse que l’on leur accorde inconditionnellement. Cette société n’a pas d’autre choix que de se replier sur elle-même, tant les écarts se creusent et les valeurs communes s’effondrent.
L’écriture addictive de Coe tient à son humour « so british », où l’on n’éclate pas franchement de rire, puisque le sourire peut se teinter de mélancolie. En étirant le temps du roman, à travers des tranches de vie percutantes, l’auteur se positionne une nouvelle fois comme un fin observateur de la société britannique, complexe, constituée d’une multitude d’identités et de questionnements. Un grand roman contemporain.
Jonathan Coe - Le cœur de l’Angleterre
Collection Du monde entier - Gallimard
560 pages
Prix du livre européen 2019
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ceciloule 27 mars 2020
Le cœur de l’Angleterre - la critique du livre
Un beau roman choral contemporain, en effet, même si dresser quelques parallèles avec les précédents opus aurait été intéressant. Ils dépeignent de manière peut-être plus juste et plus subtile respectivement les années 1970 et 2000. L’humour so british est toujours au rendez-vous ici mais on regrette les trop nombreuses ellipses qui fractionnent un peu la lecture (mon avis ici : https://pamolico.wordpress.com/2020/03/27/la-trilogie-bienvenue-au-club-jonathan-coe/)