Dernier croissant
Le 22 novembre 2012
Une autopsie de la société bosniaque contemporaine, au travers de la figure emblématique d’un couple ballotté par ses doutes. Un film émouvant et hésitant tout à la fois, porté par la cinéaste Jasmila Zbanic.
- Réalisateur : Jasmila Zbanic
- Acteurs : Mirjana Karanović, Léon Lucev, Ermin Bravo, Zrinka Cvitesic, Sebastian Cavazza
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Autrichien, Bosniaque, Croate
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Na Putu
- Date de sortie : 9 février 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Une autopsie de la société bosniaque contemporaine, au travers de la figure emblématique d’un couple ballotté par ses doutes. Un film émouvant et hésitant tout à la fois, porté par la cinéaste Jasmila Zbanic.
L’argument : Luna et Amar, jeune couple de Sarajevo, tentent de surmonter les obstacles inattendus qui menacent leur amour.
Renvoyé de son travail pour alcoolisme, Amar croise, par hasard, un ancien camarade d’armée converti au wahhabisme qui lui propose un nouveau travail.
Malgré les réticences de Luna, Amar accepte ce travail qui va pourtant les éloigner l’un de l’autre, tant moralement que physiquement.
Au bout de quelque temps, sans aucune nouvelle d’Amar, Luna obtient l’autorisation de lui rendre visite sur son lieu de travail.
Elle découvre alors une communauté bien à part, qui vit comme au siècle passé, sous surveillance.
Luna s’efforce de convaincre Amar de revenir avec elle, mais lui, tente de la persuader que ce sanctuaire isolé lui apporte une paix intérieure et l’aide à ne pas boire.
Après plusieurs semaines, Amar rentre enfin chez lui, radicalement transformé. Il déclare être devenu un homme meilleur.
Mais Luna ne le reconnaît plus. Elle s’interroge.
Les blessures encore ouvertes de la guerre continuent de la hanter, son amour pour son mari est-il assez fort pour accepter ses
changements ?
Notre avis : Jusqu’à quel point peut-on aimer, et sacrifier sa propre liberté comme prix de cet amour ? Tel est le « choix » épineux de Luna, laquelle ploie sous son poids, se questionne, évolue, et en ressort finalement grandie. L’héroïne de Jasmila Zbanic est l’incarnation parfaite de la modernité et de la jeunesse qui renaît des cendres de Sarajevo endeuillée : le teint frais et les cheveux courts, Luna exerce son métier d’hôtesse de l’air le jour, sort en boîte la nuit, ne s’impose aucun code ni aucune restriction, et exprime au quotidien son bonheur d’être en couple avec Amar. Derrière la jeune femme se profile le portrait d’une société bosniaque mise à l’épreuve, mais qui se proclame entreprenante et combattive - une Bosnie dont, étrangement, on n’entend pas souvent parler dans le journal télévisé, et qu’il est bon de découvrir ici en filigrane. A ceci près que la réalisatrice dresse aussitôt le contre-portrait : Amar, le mouton noir de cette renaissance, appartient précisément au groupe de ceux qui ont raté le coche. Abîmé par la guerre et s’abîmant un peu plus dans l’alcool, il se découvre une voie de salut dans l’islam salafiste, accueilli par une communauté austère qu’il croit être l’emblème de toutes les vertus. La figure de ce couple qui, d’une relation amoureuse, en vient bientôt au duel, est dessinée à merveille par une interprétation subtile, celle de Zrinka Cvitesic et Leon Lucev, menant tous deux le film sur son chemin pessimiste. L’étau qui se resserre progressivement autour de Luna est introduit avec tact et sens de la tension, comme si le personnage refusait jusqu’au bout de se poser (et donc de nous poser) cette fameuse question du choix.
- © Diaphana
En s’intéressant au rôle de refuge moral, voire d’échappatoire, que peut représenter la religion dans les sociétés contemporaines, Jasmila Zbanic prenait une série de risques - la caricature, l’amalgame, la généralisation, etc. Un scénario à la fois construit et réfléchi tâche minutieusement de les éviter un à un... avec un soin malheureusement laborieux. Lourd du poids de son thème principal, Le choix de Luna connaît un rythme inégal, qui affaiblit sa portée. Autant le croquis du couple que saisit la réalisatrice réussit à convaincre dans sa complexité (le film commence par une très belle séquence sur le désir d’enfant de la protagoniste, où celle-ci se filme avec un téléphone portable, s’attardant longuement sur son ventre), autant la partie consacrée à la religion manque d’un appui ferme. Difficile de déterminer ce que cherche à nous dire la cinéaste ; l’islam salafiste est figuré à travers quelques grands motifs (les hommes qui refusent de serrer la main des femmes, les épouses voilées intégralement, la polygamie) qui apparaissent furtivement, sans véritable raison d’être. Néanmoins, au vu du courage qu’incarne l’entreprise même du Choix de Luna, on reste confiant dans le travail à venir de Jasmila Zbanic ; nul doute que son prochain pas consistera à... affirmer encore un peu plus ses choix.
- © Diaphana
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