Le 1er avril 2003
Simenon creuse et sonde les profondeurs psychologiques de la haine. Une réussite totale !
Simenon creuse et sonde les profondeurs psychologiques de la haine. Une réussite totale !
Critique : Evidemment, Le chat reste avant tout un film mythique de Granier-Deferre réunissant les deux monuments du cinéma français que sont Signoret et Gabin. On aurait tort pourtant de se priver de la lecture de ce roman de Simenon, tant l’écrivain démontre une absolue justesse dans l’analyse des sentiments et d’une relation viciée, débordante de haine et dégoulinante de fiel.
Marguerite et Emile, deux veufs mal remariés de 63 et 65 ans, découvrent à quel point la peur de la solitude peut déboucher sur une relation malsaine. La mort du chat d’Emile a fait basculer leur quotidien dans un conflit définitif. Il avait l’habitude de le nourrir, la bête ne mangeait qu’à condition qu’Emile prépare son repas. Le jour où le vieux est resté alité en raison d’une grippe, Marguerite a eu la lourde charge de s’occuper du chat. Il en est mort. Elle est forcément coupable, elle l’a tué. Pour le viser et le toucher, lui, Emile. Alors, leur relation prend un tour étrange. La communication ? Des papiers qu’ils s’envoient, sur lesquels ils écrivent leur rancoeur, leur haine. LE CHAT en lettres capitales. Elle comprend...
Et petit à petit, la vengeance se fait plus pernicieuse, plus subtile. Chacun ses armes. Le mensonge, le doute, la peur de l’autre. Ils restent ensemble malgré tout. Comme si ce jeu donnait un sens à leur existence, une dimension à leur couple. Ils vivent l’un à côté de l’autre, sous le même toit, sans jamais s’adresser la parole, prisonniers d’une méfiance réciproque. LE CHAT en lettres capitales... Jusqu’au point de non retour. L’un finira forcément par prendre le dessus. Ce dont ils sont autant persuadés l’un que l’autre...
Lourde ambiance, suspense mêlé de voyeurisme. Simenon entraîne son lecteur dans les arcanes de l’âme de ses personnages, dans les tréfonds de cet impitoyable face à face. Quand la haine supplante ce qui a pu ressembler à de l’amour, longue devient la descente aux enfers... On se laisse guider durant ce terrible voyage, en découvrant combien la volonté de destruction est sans limites. Ce roman constitue une formidable apologie de la méchanceté que l’on lit avec un plaisir évident. Un modèle de huis clos aussi angoissant qu’attristant, dans lequel Simenonchoisit de torturer ses personnages jusqu’à l’extrême. Et son lecteur n’échappe pas non plus au long supplice de ce savoureux roman !
Georges Simenon, Le chat. Comme l’ensemble des romans de Georges Simenon, Le chat a été réédité aux Presses de la Cité, collection Omnibus (Tout Simenon), 27 tomes, 22 € chacun.
En illustration, la couverture de l’édition de poche des Presses de la Cité parue en 1971, aujourd’hui épuisée.
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