T.C. Boyle retrace le parcours d’Alfred Kinsey, un scientifique bien décidé à étudier le comportement de ses congénères en matière de sexualité. Même s’il manque un peu de mordant, ce roman est le reflet d’une époque trouble, dans laquelle chacun cherche sa place et l’identité de ses désirs.

Il y a toujours un risque pour un romancier de s’approprier l’existence d’une personnalité afin d’en tirer une fiction. A l’heure où l’Amérique semble se perdre sous des tonnes de pudibonderie aussi hypocrite qu’excessive, c’est le professeur Kinsey, zoologiste de formation et sexologue passionné, qui renaît sous la plume de l’écrivain américain T.C. Boyle. L’apogée de sa carrière sonnera à la fin des années 40, quand il publiera un premier rapport sur le comportement sexuel masculin, avant de s’intéresser à celui des femmes.
T.C. Boyle fait revivre ce scientifique un peu fêlé à travers le regard de John Milk, un étudiant qui devient son assistant. Les deux hommes vont ainsi interroger des centaines d’individus qui vont leur permettre de dresser un rapport objectif (et scientifique) de leurs pratiques sexuelles. Dans l’ombre de Kinsey, plane sa femme Clara, dévouée et soumise, qui croit énormément en son mari. John, fraîchement fiancé, habite avec Iris. A une période où il est inconcevable d’avoir des relations hors mariage, John va devoir concilier cet amour avec son besoin de sexe et d’expériences nouvelles, et une fascination toujours grandissante pour Kinsey. Petit à petit, l’érosion va grignoter la passion d’autant que le petit cercle gravitant autour du professeur Kinsey va s’élargir de plus en plus...
Bien sûr, on pourrait considérer ce roman comme un formidable pied de nez à l’Amérique contemporaine qui, en matière de chasteté et de morale, tient le haut du pavé et n’a pas beaucoup évolué. Mais T.C. Boyle lui-même semble s’être muselé. Hormis quelques scènes très allusives où il dépeint Kinsey comme un gourou obsédé et déviant, hormis quelques personnages véritablement dérangés, Boyle enfile simplement les anecdotes, parvenant au final à transformer ce récit en reflet débridé d’une époque (visite à des prostituées, interrogatoire de prisonniers...). Malgré cet excès de pudeur, Le cercle des initiés a le mérite de (re)mettre sur le devant de la scène un homme très controversé qui, en son temps, avait choqué tout un pays. A coup sûr, cela n’a pas beaucoup changé.