Le 27 octobre 2020
Récit implacable sur la cruauté d’un pensionnat religieux, "Le bois" est une œuvre
forte et dérangeante, dont le style ne cède jamais aux facilités de l’effet.
- Auteur : Jeroen Brouwers
- Collection : Du monde entier
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Traducteur : Bertrand Abraham
- Titre original : Het hout
- Date de sortie : 1er octobre 2020
- Plus d'informations : Le site officiel
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Résumé : 1953. Dans un pensionnat franciscain du Limbourg, au Sud-Est des Pays-Bas, des moines éduquent de jeunes garçons. Parmi eux, Eldert Haman, rebaptisé frère Bonaventure, a progressivement perdu ses charges d’enseignement pour devenir surveillant et homme à tout faire, sous les ordres de frère Mansuetus, le directeur.Témoin quotidien de la brutalité et des mauvais traitements imposés aux élèves, Bonaventure découvre un matin qu’un des garçons, corrigé la veille par Mansuetus, manque à l’appel. Redoutant le pire, il mène son enquête dans le pensionnat, et dévoile progressivement tout un système reposant sur la violence et le sadisme. Le caractère insupportable de ces exactions étouffées va conduire Bonaventure à chercher une manière d’y mettre un terme, alors que lui-même se consume de passion pour une jeune femme qu’il a rencontrée quelques semaines plus tôt. Roman sur la cruauté humaine et sur la place que l’amour peut jouer quand l’individu tente de résister, "Le bois" dénonce les abus terribles de quelques-uns tout en interrogeant la part de responsabilité de chacun. Jeroen Brouwers livre avec force une réflexion universelle sur la vie en communauté et le pouvoir de la parole quand il s’agit de trouver son salut.
Critique : On le sait depuis la parution de son récit Rouge décanté, publié en 1981 aux Pays-Bas et traduit quatorze ans plus tard en français : Jeroen Brouwers a la capacité de donner aux souvenirs la densité âpre d’une expérience vécue, tout en ne sacrifiant jamais la beauté de la forme narrative. Ce livre valut à son auteur le prix Femina étranger en 1995.
Le bois a attendu moins de temps pour sortir dans notre pays : édité en 2014, il nous est arrivé au début du mois d’octobre chez Gallimard et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’évocation de cette institution franciscaine, qui fait écho aux divers pensionnats catholiques fréquentés par l’auteur durant son enfance, fournit la matière d’un roman sans concession sur une communauté dévastatrice. En même temps, à travers le point de vue de frère Bonaventure, c’est le pouvoir du témoignage et de ses effets qui suscite un questionnement essentiel : que peut-on faire de ce qu’on sait et de la parole vectrice, pour manifester une forme de résistance à l’insupportable ?
Assurément nourri par une réflexion qui dépasse une simple histoire de cruauté et de perversité, le récit construit des effets d’échos avec le nazisme, puisque les faits se déroulent au Pays-Bas, juste après la Seconde Guerre mondiale, et que les exactions commises à l’encontre d’une population totalement fragilisée renvoient indéniablement à l’univers concentrationnaire.
Entre les vœux de chasteté qu’ils ont prononcés et la réalité des violences que subissent de jeunes pensionnaires, confiés par leurs parents, les religieux ouvrent une béance, comme un redoutable défi lancé à la conscience humaine. Tous les moines s’alignent sur les postures de frère Mansuétus, directeur inflexible qui impose la fatalité du silence et celle du témoignage disqualifié : lorsque certains enfants s’avisent de raconter les traumatismes qu’ils subissent, on ne les croit pas.
Professeur d’allemand, lui-même privé de ses droits les plus élémentaires, Bonaventure constitue le fil rouge de ce récit implacable, d’autant plus fort qu’il ne cède jamais aux facilités de l’effet.
22.00 € - 342 pages
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