Saga . T.9 - La chronique BD

Si la lecture du tome 9 donne des indications claires sur la question, les auteurs avaient annoncé de longue date, qu’eux aussi avaient besoin de repos. Plutôt que de tomber dans une lassitude et que leur créativité s’étiole, ils préfèrent faire une pause et laisser respirer le récit. S’il y a bien une œuvre qui carbure depuis le début à la créativité pure, c’est bien Saga. On apprécie que les auteurs ne tombent pas du coté de la facilité.

Pour autant, ce tome forme d’ores et déjà une sorte de conclusion. Les différents récits sont sur le point de converger et les différents protagonistes se retrouvent pour la première fois en un même lieu. Cela pourrait se terminer en happy end. Alana et Marko ont surmonté la perte de leur second enfant et sont de nouveau soudés autour d’Hazel qui apprend à connaitre son camarade Ecuyer. On suppose l’amitié naissante des deux enfants se transformer en amour de jeunesse ou en fraternité en devenir. Petri et le Prince vivent une histoire passionnelle, et si ce n’était la menace de Testament réduit en esclavage et lancé à leur poursuite, on pourrait croire que tout s’arrange enfin pour tout ce petit monde. On sait maintenant depuis quelques années qu’il faut se méfier de ces moments qui paraissent paisibles car Brian K. Vaughan aime tout particulièrement surprendre.

Sans en dévoiler davantage, la fin de cet arc reprend les ingrédients de ce qui a fait le succès des épisodes précédents. Sur la forme, les illustrations de Fiona Staples sont toujours aussi inventives, bien qu’on ressente tout de même une certaine forme d’usure depuis quelques tomes.

Sur le fond, l’attention est continuellement portée sur les personnages et sur la nature de leurs sentiments. La caractérisation de chacun d’entre eux s’enrichie à mesure que les événements les font évoluer. Tous se questionnent sur leur existence au sein de la communauté et apprennent à vivre avec leurs douleurs et leurs différences. Ce parti-pris intimiste permet aux auteurs d’aborder frontalement (et graphiquement) le sujet de la sexualité des personnages, central depuis le premier tome.
Le récit traite par ailleurs successivement de sujets profonds : le deuil, le pardon, l’acceptation de la différence. Sans jamais que cela prenne le pas sur l’aventure et les enjeux de l’intrigue, Brian K. Vaughan utilise le fantastique comme un outil de mise à distance et traite de la violence de notre société. A cet égard, Saga est une œuvre résolument adulte et porte en son sein un message de tolérance universelle.

Le passage à l’âge adulte requiert de la maturité pour surpasser les remous de la vie. Ce tome 9 marque d’une pierre blanche l’histoire de Saga et en demandera beaucoup, aussi bien aux personnages qu’aux lecteurs...