Le 19 septembre 2022
Monica Sabolo enquête sur Action Directe mais aussi et surtout sur elle-même, sur son passé, sur la fracture floue entre le bien et le mal, sur la fuite de la mémoire qui n’obéit qu’à elle seule.


- Auteur : Monica Sabolo
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 18 septembre 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : La vie clandestine, c’est d’abord celle de Monica Sabolo, élevée dans un milieu bourgeois, à l’ombre d’un père aux activités occultes, disparu sans un mot d’explication. C’est aussi celle des membres du groupe terroriste d’extrême gauche Action directe, objets d’une enquête romanesque qui va conduire la narratrice à revisiter son propre passé.
Critique : Monica Sabolo recherche, essaie de comprendre Action Directe – enfin un sujet qui l’éloigne d’elle-même, de son histoire et de ses peurs enfouies. Qui la fasse exister simplement en contre-jour, dissimulée en coulisses. Pourtant, par un étrange glissement de sens, de quête, l’autrice remonte finalement ses propres traces autant que celles des anarchistes qui ont assassiné Georges Besse, le PDG de Renault, en 1986. Sur les photographies aux bords blancs dentelés, derrière les silhouettes de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, dont elle précise presque systématiquement les noms de famille comme un moyen de respecter une certaine distance abolie par ailleurs, c’est sa propre ombre qu’elle voit, ses propres fêlures, ses traumatismes d’enfant et d’adolescente, ses aïeules. Sa vie clandestine et celle de Yves S., l’homme qui l’a élevée.
Elle revoit les masques précolombiens qui étaient exposés chez elle, à Genève, cette manière de masquer pour mieux révéler, et la relie aux anarchistes autant qu’à Yves S., autant qu’à elle. Les deux enquêtes se relaient, se font écho aussi, souvent, étonnamment. Le récit factuel, froid, des faits d’armes d’Action Directe – la véracité avant la vérité – peine à passionner, a-chronologique pour mieux souligner la fuite de la mémoire, l’obscurité qui la colonise lentement. C’est l’enquêtrice qui se révèle peu à peu derrière ces recherches compulsives, méticuleuses, qui intéresse, que l’on veut connaître, qui permet aux deux livres de coexister sans être trop désunis – mais un peu malgré tout. Alors Monica Sabolo s’épanche, timidement d’abord, mais plus franchement par moments, fulgurances tandis que les hommes et les femmes dont elle relate quelques interventions morbides prennent corps, alors qu’elle rencontre enfin certaines personnes qui les ont côtoyés, qui étaient là, camouflées dans le noir, comme elle, dans l’ombre de sa propre vie. Peut-être était-ce le moment de se raconter, peut-être, sans doute, cet enfouissement dans des documents, dans des dates en a remué d’autres, a rappelé à l’esprit des moments passés qui s’étaient presque évaporés, masqués par le Sur-Moi, par les émotions trop fortes. Le silence, les non-dits, l’absence, la vie clandestine des uns ont réouvert des béances, ont fait retentir des silences d’hier, résonner l’absence et ont souligné les non-dits qui ont pavé sa propre route, la fracture entre le bien et le mal, pas toujours si nette.
Monica Sabolo - La vie clandestine
Gallimard
320 pages
140 x 205 mm
21 euros