Mr. Natural - La chronique BD

Résumé :

Mr. Natural est une sorte de gourou qui officie en Californie. A travers des histoires ubuesques à l’humour souvent corrosif, on retrouve Mr. Natural tantôt en gourou prétendant détenir la vérité sur l’univers, tantôt en quête de solitude dans le désert pour fuir ses adeptes, tel Flakey Foont, qui se montrent trop attentifs à ses conseils. A travers ces histoires en forme de strips de longueur variées, Robert Crumb fait la peinture de l’Amérique des années 60-70 dans laquelle saute aux yeux la contradiction d’une jeunesse prise entre le flower power hippie et la société de consommation.

Notre avis :

Mr. Natural est, avec Fritz The Cat, l’un des personnages les plus fameux créés par ce génie du Neuvième Art qu’est Robert Crumb. Ce Mr. Natural est le premier volet d’une réédition en deux tomes des aventures de l’antihéros de Crumb, comprenant les strip dessinés dans les années 1960-1970. Le second volet, prévu pour octobre, s’intitulera Le retour de Mr. Natural : il comprendra les histoires créées dans les années 1980-1990.

Notons d’abord que Cornélius propose ici une réédition de qualité : une couverture souple, comme il est d’usage dans cette maison d’édition, qui abrite 176 pages épaisses, en comprenant un sommaire qui établit une liste de l’ensemble des histoires, parues aux États-Unis essentiellement dans les revues underground Zap ou Mr.Natural. La reproduction des planches est impeccable. La traduction, de Jean-Pierre Mercier, spécialiste reconnu en matière de bande dessinée underground américaine, est de très bonne facture. Nous sommes bien dans la tradition de Cornélius qui nous habitue depuis longtemps maintenant à produire de très beaux ouvrages.

Ce Mr. Natural regroupe un nombre conséquent d’histoires – 41 - de longueurs inégales. On retrouve le l’antihéros de Crumb dans des situations extravagantes et franchement drôles, le tout dans une Amérique des années 1960-1970 dont la jeunesse californienne – ainsi que Crumb lui-même - est ravagée par la drogue. Mr. Natural doit se dépêtrer de ses disciples qui le suivent jusque dans le désert en quête de « réponses » alors qu’ils n’ont aucune question à poser à leur maître. Ce dernier prêche souvent dans le vide contre la société de consommation, incarnée par la télévision et quitte fréquemment ses disciples (qu’il essaie par ailleurs souvent d’escroquer) par dépit face à ces échecs. Ce gourou fantasque, représenté sous les traits d’un vieillard à la longue barbe blanche et à la robe de bure, exprime la vision corrosive de Robert Crumb sur la société américaine qui l’entoure, ainsi que ses nombreux fantasmes : les femmes charnues aux hanches amples et aux fesses rondes regorgent dans ces albums.

Tout ce qui fait la force du style de Robert Crumb – humour noir, obscénités, critique sociale virulente, histoires déjantées - est dans cet album très représentatif de l’art crumbien. Il est indispensable pour les passionnés et autres amateurs du pape de l’underground, et il est vivement conseillés aux néophytes et aux curieux qui voudraient se pencher sur le côté obscur de l’American way of life.