Moi je saurai !
Le 19 novembre 2014
Dans cette fascinante adaptation d’une nouvelle de Barbey D’Aurévilly, Rita Azevedo Gomes déploie une alchimie savante d’archaïsme assumé et de modernité.
- Réalisateur : Rita Azevedo Gomes
- Acteurs : André Gomes, Rita Durão, Fernando Rodrigues, Hugo Tourita, Duarte Martins, Francisco Nascimento, Maria Carré, Manuel Mozos, João Reis , Isabel Ruth, António Azevedo Gomes, Susana Moody, Anna Leppänen, João Pedro Bénard
- Genre : Drame
- Nationalité : Portugais
- Durée : 1h45mn
- Titre original : A Vingança de uma Mulher
- Date de sortie : 19 novembre 2014
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– Année de production 2011
– Sortie au Portugal : 29 mars 2012
– distribution française : Capricci Films
Dans cette fascinante adaptation d’une nouvelle de Barbey D’Aurévilly, Rita Azevedo Gomes déploie une alchimie savante d’archaïsme assumé et de modernité.
L’argument : Dandy pour certains, libertins pour d’autres, Roberto se dérobe sans cesse à ceux qui veulent l’approcher. Il est en vérité victime d’un ennui profond, l’ennui de celui qui a déjà épuisé tous les bonheurs de la vie.
Un soir, il rencontre la bouleversante Duchesse de Sierra Leone. Elle lui raconte son passé et lui confesse un crime scandaleux …
Notre avis : La nouvelle La vengeance d’une femme qui clôt le recueil Les diaboliques (1874) de Jules Amédée Barbey d’Aurevilly, raconte, sous forme de récit dans le récit, la descente au enfers d’une héroïne à l’orgueil insensé qui s’abîme dans la déchéance avec une détermination implacable en poursuivant une vengeance aussi terrible que dérisoire (à l’homme qui lui dit que peut-être le duc, objet de sa haine vindicative, ne sera jamais mis au courant, elle répond : Moi je saurai !).
Convaincue à la première lecture qu’une adaptation cinématographique de cette oeuvre étrange et fascinante ne pouvait être filmée qu’en studio, Rita Azvedo Gomes a mis quinze ans avant de pouvoir tourner A Vingança de uma Mulher dans ceux de la Tobis Portuguesa.
- La vengeance d’une femme 2011 Rita Azevedo Gomes
Car il ne pouvait s’agir de simplement illustrer la nouvelle de manière redondante ni d’en dérouler l’intrigue de manière platement chronologique sous la forme d’un quelconque téléfilm en costumes. Il fallait la traduire, en portugais d’abord, en supprimant au passage la foule d’adjectifs qualificatifs* si caractéristiques de la prose française du XIXème siècle et en introduisant des éléments venus d’ailleurs (une citation de Camões par exemple) ; la mettre à distance en faisant intervenir une figure de narrateur et en insérant le récit-cadre dans un cadre supplémentaire (le magazin d’accessoires du studio de cinéma), en ajoutant des témoins (saisissante apparition muette de la grande Isabel Ruth en vieille dame assise dans une taverne puis se levant et s’approchant des personnages qui discuttent à une table sans même remarquer sa présence) ; en faisant explorer par la camera d’extraordinaires plans-tableaux parcourus, sur fond de toile peinte, de déplacements savamment orchestrés (hommes et animaux traversant l’écran en tous sens, sortant par exemple par l’avant !) ; en obtenant du virtuose Acácio de Almeida des couleurs étonnantes (la robe jaune) et de Joachim Pinto un contrepoint sonore recourant de manière inattendue, et totalement convaincante, aux oeuvres des compositeurs de l’Ecole de Vienne (Schoenberg transcrivant, c’est à dire traduisant Bach ; Berg ; Webern ; mais aussi Grieg ou un air du dix-septième siècle, non moins anachronique, d’Etienne Moulinié).
- La vengeance d’une femme 2011 Rita Azevedo Gomes
Ce prodigieux travail sur le cadre situe le film dans l’héritage d’un cinéma archaïque et donc, en même temps, totalement moderne : usage presque constant du plan long (avec changements à vue) et refus du découpage (inutile d’insérer un plan de coupe sur le médaillon, on le voit bien mieux comme ça !) à part dans la scène très violente de la flèche et des chiens qui opère un effet de rupture brutale ; jeu très contrôlé (Rita Azevedo Gomez parle de carapace) de l’actrice principale, magnifique. Ces partis pris affirmés et admirablement tenus donnent au film un côté délibérément théâtral qui parvient à créer une attente, une tension chez le spectateur non dirigé, par exemple lorsque la caméra s’arrête sur une porte qui vient de se fermer (et ne tardera pas à se rouvrir) .
Ce théâtre au carré qui, selon Pierre Léon, transforme le récit en mélodrame à vue, brechtien, produit des moments de véritable trouble érotique (les doigts qui se touchent à travers la toile du canevas) et d’émotion intense .
- La vengeance d’une femme - cappricci
* Signalé par Pierre Léon au cours de la rencontre avec Rita Azevedo Gomes qui suivait la projection du 19 novembre 2014 au cinéma Les Trois Luxembourg, à laquelle nous empruntons aussi les témoignages de la cinéaste. (Trois rencontres exceptionnelles sont organisées autour du film en présence de la réalisatrice, Rita Azevedo Gomes :
– Le 19 novembre à 20h30 avec Pierre Léon, réalisateur et collaborateur de la revue Trafic
– Le 21 novembre à 20h30 avec Miguel Armas, collaborateur de la revue Lumière
– Le 24 novembre à 20h30 avec Fernando Ganzo, collaborateur de la revue So Film)
http://vimeo.com/111644931
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